Rappeur et fan de thé, rencontre avec cet auteur compositeur et interprète issu de Clichy-sous-Bois.
Tasse d’eau bouillante en main, Ashvin observe son sachet de thé sur fond de Chet Baker. Il prend son temps. Ce Mauricien de 26 ans casse les clichés habituels du rappeur de banlieue. Il a passé la majeure partie de sa vie à Clichy-sous-Bois, une ville qu’il apprécie.
Tristement sulfureuse depuis les émeutes de 2005, Clichy n’a que peu de ce que l’on peut voir dans les médias. Ashvin s’y sent bien. Il y travaille en tant que surveillant au lycée Alfred Nobel. En amont, il anime des ateliers de musique pour les plus jeunes. Le partage est une valeur essentielle à ses yeux.
Ashvin est un artiste autodidacte. Il n’a fait qu’une seule année de licence de musique. « Les transports, l’inégalité des niveaux vis-à-vis de mes camarades parisiens, la culture, toutes ces choses ont fait que je me sentais comme un étranger, pas le bienvenu. » Avec du recul, il admet qu’il a peut-être manqué de maturité lorsque qu’il a décidé d’arrêter ses études. Le regrette-t-il ? Oui et non. Après un court silence, il poursuit : « De toute façon, je suis jeune, je peux reprendre si j’en ai l’envie ». Deux heures… c’est le temps qu’il mettait pour aller à sa fac en transports. L’enclavement de sa ville a clairement pesé dans son choix, avec le futur projet du Grand Paris Express, il mettrait 31 minutes. Ironie du sort, les travaux de ce dernier sont visibles de la fenêtre de sa chambre. Chambre qu’il a transformé en home-studio.
Il trempe enfin son sachet de thé dans son eau qui n’est plus si bouillante. Le vinyle continue de tourner. H, de son blaze dans la musique, prend sa guitare et gratte quelques notes savoureuses. Plutôt réservé de nature, quand H pratique son art, il se métamorphose. Il compose ses propres instrus, écrit ses textes et les enregistre dès qu’il en a l’occasion. La musique le fait se sentir vivant. « C’est une bénédiction, un don qui nous libère et qui réunit les gens. » Son objectif ? Réussir dans la musique, percer comme on dit dans le milieu. Son environnement et son vécu l’ont poussé naturellement vers le hip hop. « C’est une manière comme une autre d’exprimer ses sentiments. La musique n’a pas de limites. »
Dans sa playlist, on peut y trouver de tout. Vraiment de tout. D’Agnès Obel à Nirvana, de Bob Marley à Ella Fitzgerald en passant par Kanye West, il ne se ferme aucune porte musicale et c’est ce qui rend sa musique si ouverte.
H voit tout en grand, notamment ses rêves et son avenir. Après avoir réussi dans la musique, il souhaiterait produire et propulser de jeunes talents issus de banlieue, de France, du monde… une fois cette tâche accomplie, son autre passion prendrait le relais. Il souhaiterait investir et entreprendre dans le milieu du thé. Peut-être verrons-nous bientôt une boutique où se trouve thé et vinyles à Clichy-sous-Bois ? Un lieu de détente, de partage et de bonne musique accessible à tous… on a hâte d’y être.
Écrit par Murat Rymo Arslan
Illustration par Afroboyiv
Article extrait de la série de portraits sur le RER E
Le 6 décembre 2017, onze jeunes auteur.e.s sont partis à la rencontre de parfaits inconnus sur les quais et dans les rames du RER E. De ces rencontres, ils ont choisi de mettre en lumière une ou deux personnalités. Voici donc la première série d’articles du programme « Le Bruit de ma Ville » : des portraits d’usagers de la ligne nord du RER E.