Le 12 Août 2017 à c, une contre-manifestante antiraciste a été tuée par un militant de l’Alternative Right (alt-right), une mouvance d’extrême droite. Ce drame, perçu comme lointain, a été largement commenté et a suscité une vive indignation en France. Pourtant dans notre pays aussi, la fachosphère (ré)investit l’espace public.
Aux état-unis internet, appuyé par des stratégies électoralistes populistes, a joué un rôle clé dans le renouveau de l’extrême droite dans l’espace public. En effet, une grande partie des militants de l’atlrigt a trouvé dans le web un espace de vulgarisation de ses thèses racistes. Surtout, les forums de cette mouvance sont devenus un lieu de coordination et de la concrétisation de leurs idées dans le monde réel. Les Etat-unis et le président Trump, en particulier, ont été fortement critiqués après à l’épisode dramatique de Charlottesville. Force est de constater que chez nous aussi, en France, l’extrême droite tend à s’affirmer de plus en plus dans l’espace public.
Le drame de Charlottesville nous invite à nous intéresser à ce qui se passe dans notre propre pays. En effet, la france comme les Etat-unis connaissent des trajectoires similaires dans l’affirmation des groupuscules fascisants dans l’espace public. Le scénario est le même, comme le souligne Robert Ray, un des leaders de l’alt-right : « Nous nous sommes organisés sur Internet maintenant nous apparaissons au grand jour ».
Il convient également de souligner, le rôle de certain politique, qui par leurs discours renforcent la détermination de ces groupes qui, il y a quelques années encore, n’osaient plus se montrer.
L’alt-right américaine sort de l’internet
Communauté hétéroclite, l’alt-right peut être divisée en deux catégories : les militants racialistes (suprémacistes blancs, nostalgiques du sud confédéré, membres du Ku Klux Klan) et les militants complotistes (nourris par des médias comme « Infowars » d’Alex Jones ou une multitude de sites alarmistes). En commun, ils partagent la conviction que la culture occidentale blanche est menacée par l’augmentation des populations non-blanches. Pour les militants de l’alt-right, la bonne santé d’une société dépend de sa pureté raciale, ethnique et culturelle. Les membres de l’alt-right se sont notamment illustrés en propageant des hoax [1] et des fake news [2] sur Internet – sous l’emblème de Pepe the Frog – depuis les forums Reddit, 4chan ou 8chan. C’est le en échangeant sur ces différents réseaux d’internet que ces militants de la droite extrême, habituellement marginalisés, ont gagné en confiance et surtout de se fédérer. Cet aspect de coordination de l’alt-right, par le biais internet, est mis en lumière dans le documentaire de Vice sur la manifestation de Charlottesville.
Désormais nous allons sortir de l’internet avec force
Dans ce documentaire, les propos de Robert Ray, un des leaders de l’alt-right, sont sans équivoque :« Désormais nous allons sortir de l’internet avec force ». Il y apparaît déterminé et tien des propos explicite. En outre, il confirme que l’alt-right s’est d’abord organisée sur Internet, pour s’imposer sur la place publique : « les gens ont compris qu’ils font parti d’un ensemble plus grand car nous avons répandu nous mêmes [3]. Nous nous sommes organisés sur Internet maintenant nous apparaissons au grand jour » .
La victoire de Donald Trump, puis la nomination de Steve Banon, figure de proue de Breitbart News au poste de premier conseiller, n’est étrangère à cette posture qu’on peut qualifier de provocatrice (N.D.R.: Y compris dans le contexte états-unien). La victoire du milliardaire américain a galvanisé l’alt-right. Si bien que désormais, en plus de sa présence sur Internet, ces militants hyperactifs ont souhaité apparaître dans la rue.
Je pense qu’il y a des torts des deux côtés
Cette détermination de l’alt-right est d’autant plus forte que le président américain en exercice s’est refusé à plusieurs reprises à condamner ses débordements. « Je pense qu’il y a des torts des deux côtés », par cette déclaration Donald Trump a envoyé un signal fort de legitimation à l’altright; en renvoyant dos-à-dos militants d’extrême droite et manifestants antiracistes. Une rhétorique électoraliste qui vise flatter une base électorale blanche – angoissée par la mixité – et raciste; et qui n’est pas sans rappeler la stratégie de Nicolas Sarkozy en 2011 qui comparait dans des termes similaires l’extrême droite et la gauche (PS).
La stratégie du « ni-ni » comme point de départ de la regurgence de l’extreme droite dans l’espace public français ?
En effet, en France également certains politiques ont participé à légitimisation et la normalisation de certaines idées d’extrême droite. Ces militants étaient absent de l’espace public depuis année 1990, poussés à la clandestinité à cause de la ringardisation de leurs idées mais aussi à cause des coups portés par les Antifias ; comme illustré dans le documentaire ANTIFA – Chasseurs de skins.
Si les contextes diffères, la stratégie de Donald Trump ressemble pour beaucoup à la stratégie dite du « ni-ni » mise en place par l’UMP présidé par Jean-François Copé en 2012 : « Pas question d’appeler à voter pour le Front national ni d’appeler à voter pour le candidat socialiste, qui fait alliance avec le Front de gauche » [4]. Cette stratégie renvoyait dos-à-dos : Front National (FN), PS; une position qui marginalisera les modérés du parti au profit de « la droite dure » et a entériné la rupture du « front républicain » [5].
On peut voir dans cette normalisation du discours raciste le point de départ du renouveau l’extrême droite française
En effet, deux ans après la rupture du « front républicain », 35% des Français se déclaraient « plutôt » ou « un peu » racistes. En 2015, c’est 42% des électeurs de Nicolas Sarkozy se disaient prêts à voter Front national à une élection locale quand une majorité de française l’excluaient (63%). On peut voir dans cette normalisation du discours raciste le point de départ du renouveau l’extrême droite française, qui après d’être rassemblée sur internet sous le terme fachosphère [6], s’organise pour être plus présente dans l’espace public.
Nébuleuse hétéroclite regroupant notamment des militants FN, des identitaires et des catholiques traditionalistes, la fachosphère s’appuie – comme l’alt-right – sur une communauté très active sur les réseaux sociaux. À la manière de l’alt-right américaine, elle s’est à plusieurs reprises illustrée en propageant des fakes news et des hoax en faveur de Marine Le Pen. Parmi celles-ci on trouve de prétendues scènes de liesses dans les banlieues françaises à la suite des attentats de janvier 2015. Discrets en France depuis les années 1990, les militants de la fachosphère ont su se saisir de l’espace « de liberté » sans pareil offert par internet pour avoir un impact dans la rue.
Ainsi en 2014, le Bloc identitaire et Action française figuraient des cortèges de la Manif pour Tous. Aux premiers rangs de ces de ces manifestations figuraient le Réseau identités un mouvement d’extrême droite dirigé par Richard Roudier – un ancien du GUD – qui s’est illustré par le saccage du rayon halal d’un supermarché à Montpellier. Plus récemment Génération identitaire, alliée à d’autres groupes identitaires de toute l’Europe, à levé 64 000 euros pour saboter les opérations de sauvetage de migrants en mer Méditerranée. À la tombée de la nuit, le 12 mai 2017, une poignée de militants xénophobes a tenté d’empêcher la sortie en mer du navire de sauvetage de SOS Méditerranée et de Médecins Sans Frontières, qui depuis 2 ans partent en mer presque tous les jours pour porter secours aux migrants voyageant dans des embarcations précaires à destination de l’Europe. En 2014, le leader du mouvement Génération Identitaire Aurélien Verhassel – convaincu de la préparation d’un « génocide de substitution » dans la France « assiégée » – avait déjà organisé des tournées de sécurisation du métro contre les « racailles » ainsi que des maraudes nationalistes destinées uniquement à des SDF blancs. Les militants d’extrême droite ont adopté les méthodes percutantes et les formes d’action militante qui ont fait le succès de l’extrême gauche. Ainsi, la marque « babtou solide » est devenue, après un succès viral, l’étendard porté par les identitaires en signe de reconnaissance mutuelle.
La France et les Etats-Unis évoluent dans des contextes différents. Toutefois elles connaissent un regain de la présence de l’extrême droite sur la place publique. Autrefois marginalisés les mouvements d’extrême organisés sur internet, convaincus de leur influence et de la légitimité acquise grâce à certains politiques, souhaitent être plus visibles.
[1] Hoax est un mot anglais qui désigne un canular créé notamment à des fins malveillantes. (Source : Wikipédia)
[2] Les fakes news sont des informations délibérément fausses. Elles participent à des tentatives de désinformation, que ce soit via les médias traditionnels ou via les médias sociaux, avec l’intention d’induire en erreur dans le but d’obtenir un avantage financier ou politique. (Source : Wikipédia)
[3] Un mème Internet est un élément ou un phénomène repris et décliné en masse sur Internet. C’est un anglicisme venant d’Internet même ». Il se prononce “meem” en anglais et « meme » en français. (source : Wikipédia)
[4] Alexandre Lemarié, http://www.lemonde.fr, L’UMP justifie sa stratégie du « ni-ni » en liant Front de gauche et Front national En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/06/12/l-ump-justifie-sa-strategie-du-ni-ni-en-liant-front-de-gauche-et-front-national_1716817_823448.html#jlXHJ44D7KHsfKyQ.99: http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/06/12/l-ump-justifie-sa-strategie-du-ni-ni-en-liant-front-de-gauche-et-front-national_1716817_823448.html[5] « Front Républicain » désigne le rassemblement, lors d’une élection, de partis politiques de droite et de gauche contre le Front national (FN). (Source : Wikipédia)
[6] La fachosphère est un ensemble des partis et mouvances fascistes et, plus généralement, de tout ce qui est assimilé au fascisme (Source : Wikipédia)
[7] Le 16 novembre 2015, suite aux attentats du 13 novembre 2015, le président de la République François Hollande annonce au Parlement réuni en Congrès vouloir étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français, sanction déjà prévue par l’article 25 du code civil pour les binationaux naturalisés français. (Source : Wikipédia)