Hortense Harang, ex journaliste (BBC et Libération entre autres) et conseillère en communication, fonde la SASU (Société par actions simplifiée unipersonnelle) « Fleurs d’ici » à la suite de la naissance de son premier enfant en 2015. « Fleurs d’ici » est spécialisée dans la vente en circuits courts de fleurs locales et de saison, et est lauréate du Trophée parisien 2017 de l’économie sociale et solidaire décerné par la Mairie de Paris. Dans la foulée, elle nous révèle son regard tranché sur l’Économie Sociale et Solidaire (ESS).
Pour vous que représente l’Economie sociale et solidaire ?
Pour moi l’Economie sociale et solidaire ne veut rien dire. Dans le sens où bientôt tout sera ESS (Economie sociale et solidaire). Aujourd’hui, on a l’impression qu’il s’agit d’une petite partie, un peu folklorique, de l’économie. Mais en réalité l’économie durable cela ne peut être que ça ! Cela ne peut être qu’une économie qui prend en compte son écosystème. Les outrances des années quatre-vingt c’est fini. Le consommateur des années 2020/30 est né avec un smartphone dans la main. Il scan ses produits pour savoir d’où ils viennent, combien il y a eu de kilomètres entre la production et la distribution, combien il y a eu de pesticides, quelle est la répartition de la valeur entre producteur et vendeur… La transparence et la traçabilité du produit vont devenir le cœur de la manière dont se détermine un consommateur dans son achat. L’ESS sera évidemment la société de demain.
Quel regard portez-vous sur la société actuelle ?
Je trouve qu’il y a beaucoup de choses fascinantes. On peut tous être le garant les uns des autres. C’est cela qui permet une bonne traçabilité et une « supply chain » (chaîne logistique) vertueuse. Le nombre important de nouvelles technologies, notamment la « blockchain », vont permettre de faire de la traçabilité et de la transparence des déterminants incontournables des achats des prochaines années. Ce n’est pas simplement que la technologie rende l’information disponible mais je pense que le consommateur de demain a ces questions-là en tête. Je pense que cela fait partie de ses critères d’achat. Le prix reste le critère principal, mais demain Nespresso pourra payer Clooney des fortunes pour dire que leur café est le meilleur, si quand on le scanne il apparait qu’à l’origine de ce café c’est un petit paysan Ethiopien qui gagne 30 $ /mois, alors je ne suis pas sûre que Clooney soit suffisant pour faire acheter ce café. Je précise que je n’ai rien contre Nespresso (rire) !
Quelles sont les missions de « Fleurs d’ici ? »
Notre mission principale, est dans premier temps de sauvegarder l’horticulture française, puis de développer dans d’autres pays l’horticulture nationale. Aujourd’hui neuf fleurs sur dix sont importées, ce qui entraine de nombreux impacts négatifs. D’abord dans le pays producteur. Au Kenya, en Ethiopie ou en Equateur, l’industrie utilise une main d’œuvre féminine qui le paye au prix de sa santé. En effet comme les réglementations ne sont pas aussi strictes qu’ici, ces femmes sont soumises à de très hautes doses de pesticides et sont donc généralement atteintes de cancers passé 40 ans ou à minima de gros problèmes d’arthrose. Il y a ensuite des problèmes environnementaux. Une rose analysée par « 60 millions de consommateurs » en février dernier, a révélé 25 substances toxiques interdites en France. Il y a également une utilisation intensive de l’eau. Notamment au Kenya, dans la région de production des roses. Par exemple, le lac Naivasha est à sec, ce qui a entre autres, entrainé des communautés locales à déménager. Il y a aussi un impact global. Ces fleurs voyagent en avion et génèrent par conséquent du co2. Elles sont ensuite réfrigérées, cette chaine du froid pompe à son tour de l’énergie… Pour finir, si l’on prend l’exemple des roses, le produit que l’on retrouve dans une chaîne de fleuriste tel que « Monceau Fleur » n’est plus du tout naturel. La rose a été cueillie il y a dix jours, elle a été congelée (jusqu’à 4°), on lui a injecté des produits pour résister à ce traitement… Du coup la tenue en vase n’est pas terrible, elles n’ont pas de parfum, elles ne s’épanouissent pas… Je pense que tout le monde est perdant mis à part les industriels ! Tout cela résulte d’un nombre décroissant d’horticulteurs, de serres agricoles, et donc des savoir-faire. C’est une partie de la biodiversité qui disparait… De plus, ce n’est pas comme l’alimentaire, les fleurs on en a pas besoin. Donc si c’est pour en faire n’importe quoi on ferait mieux de s’en passer ! Si vous achetez une fleur dans une chaine, vous allez certes la payer moins cher, mais vous la payez trois fois : une fois chez le fleuriste, une fois en coût social relatif aux charges pour les gens au chômage, et une troisième fois en compensation carbone et en coût environnemental.
Dans le cadre de votre travail je suppose que vous avez dû faire des rencontres enrichissantes, pouvez-vous m’en décrire une ?
Ce que je préfère c’est quand je parle avec les producteurs chez eux de leur quotidien… Ce ne sont pas des histoires très glamour mais elles sont assez édifiantes. Il y a notamment une famille d’horticulteurs qui vit à Ollainville, dans l’Essonne. Il s’agit de la quatrième génération d’horticulteurs de la famille, et leurs arrières grands-parents avaient fait des fortunes ! Ils sont horticulteurs de père en fils et vous racontent qu’étant petits ils vendaient les roses aux vieilles halles au centre de Paris, qu’un train partait tous les jours vendre les roses aux gens jusqu’au halles à Paris… Ce que je trouve intéressant dans ces témoignages c’est qu’il a fallu soixante ans pour faire n’importe quoi, on doit donc pouvoir renverser la vapeur en peu de temps. Il est peut-être encore temps.
Quels sont vos projets à long-terme pour « Fleurs d’ici » ?
Nous faisons une levée de fond, nous sommes dans une phase où l’on cherche des financements, car l’idée c’est de devenir une entreprise nationale. Notre objectif principal c’est que la provenance des fleurs devienne un critère d’achat. Sur les fruits et les légumes il y a une obligation légale d’indiquer la provenance, il faudrait qu’il en soit de même sur les fleurs. Il faudrait que plus personne n’achète des roses au mois de février, car les roses dans l’hémisphère Nord, jusqu’à preuve du contraire, cela ne pousse pas au mois de février.
Est-il facile aujourd’hui de se lancer dans l’ESS ?
Oui, je pense qu’il y a beaucoup de structures d’accompagnements. Aujourd’hui, il y a deux domaines où il est assez facile de se faire accompagner : c’est l’ESS et le digital. Dans notre cas, ce qui est compliqué c’est que nous faisons du luxe, et que luxe et ESS dans la tête des gens ce n’est pas gagné ! Je pense que c’est un secteur où il n’y a pas encore assez d’ambition. Il y a beaucoup d’initiatives locales, mais nous, nous avons un projet d’envergure nationale voire internationale, et je ne pense pas qu’il y en a beaucoup dans l’ESS qui aient cette ambition.
Pourquoi ce manque d’ambition ?
Il y a un peu une notion de « l’argent c’est mal ». Je pense que c’est en train de changer. Mais ce que je veux dire, c’est qu’il a encore une incompréhension sur le fait que l’on peut faire les choses bien, en prenant en compte la société et l’écosystème, avec une démarche économique. Le « E » de ESS est trop souvent effacé. On entend social et solidaire et pas économie ! Si l’on veut que cela fonctionne et avoir réellement de l’impact il faut un marché. Lorsque l’on est entrepreneur on est là pour gagner de l’argent. Pas pour la poursuite du profit, mais parce que gagner de l’argent c’est la preuve que l’on a une proposition de valeur.
A.D : Si vous deviez en quelques mots encourager les gens à participer à l’ESS, quels seraient-ils ?
Ayez de l’ambition ! (Rire) Ce n’est pas un gros mot, c’est le nerf de la guerre. Je veux bien moi que l’argent cela soit mal, que le capitalisme ce soit mal, néanmoins on vit dans une société qui est ainsi. Je suis partisane de l’entrisme, du fait qu’il faut comprendre et intégrer les règles de fonctionnement du marché, et en tirer le meilleur profit possible dans un but d’intérêt général. Je suis fatiguée des gens qui dénoncent sans rien faire. Il faut essayer d’avoir de l’impact.
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