Dans la famille Higelin, on demande le grand frère. Son dixième album solo, Amour chien fou, est sorti l’année dernière. L’occasion d’une longue tournée pour ce poète au chapeau, à Tremblay, Torcy, Villejuif et Paris le mois prochain – où il reviendra en avril 2019.
C’est quoi ta ville ?
J’habite aujourd’hui dans le 20e arrondissement de Paris pas loin de la place de la Nation. J’y habite depuis 4 ans à peu près. Je suis né et ai grandi à Paris. Au départ dans le 17e arrondissement, j’ai passé la grande partie de mon enfance dans le 4e vers Saint-Paul dans le Marais.
Premier souvenir chacun dans ta ville ?
Mon meilleur ami était le fils de la concierge d’un immeuble d’une rue parallèle et à l’époque nous étions souvent dehors. Nous passions beaucoup de temps à marcher et jouer dehors. Mon premier souvenir c’est peut-être une fille qui était un peu plus âgée que nous, elle nous faisait croire qu’elle était une fille et qu’elle avait caché un trésor dans une bouche d’aération. Nous étions fascinés par cette fille qui nous semblait magique.
Est-ce que tu trouves que ce quartier a changé ?
Saint-Paul, ce n’est quasiment plus le même endroit, quand j’étais petit c’était un quartier populaire. Il y avait tous ces hôtels particuliers qui étaient inhabités et en ruine. Il y avait beaucoup de terrains vagues, beaucoup d’endroits mystérieux, beaucoup de petits magasins particuliers, assez sombres, il y avait aussi des terrains de foot improvisés un peu partout : c’était un vrai quartier populaire. Maintenant c’est un quartier touristique, à la fois de tourisme de masse et de tourisme chic. Tous les petits magasins et cafés ont été remplacés par des boutiques de luxe. L’atmosphère n’a plus rien à voir.
Où est-ce que tu vas pour vous poser ?
J’ai pas vraiment d’endroit particulier où j’aime me poser, je choisis souvent les terrasses de café au hasard.
Ta ville idéale ?
Ce serait une ville remplie de secrets. Il y aurait beaucoup d’endroits cachés, préservés et non surveillés. Des endroits indépendants, en friche, pas des endroits normalisés et cadrés avec des zones piétonnes pour touristes par exemple. Ce serait sûrement une ville comme Berlin ou Rio avec des morceaux entiers de nature dans la ville. Une ville avec beaucoup de contrastes, une concomitance de quartiers urbains et de quartiers naturels. Y ça aussi à Montréal, tu peux te retrouver sur une terrasse où t’as l’impression de ne plus être en ville.
Ta ville cauchemar ?
Une ville entièrement commerciale et touristique. Une ville où il n’y aurait pas d’espace alternatif pour respirer. Une ville qui te rendrait automatiquement asthmatique.
Une musique sur la Ville ?
Le poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg. L’identité de Paris se retrouve dans ses boyaux, dans ses intestins, et donc dans ses couloirs de métro avec cette lumière blafarde et cette promiscuité avec les autres dans le wagon. Malheureusement je prends beaucoup le métro et je l’ai toujours pris. C’est un monde artificiel qui devient réalité.
Un film sur la Ville ?
J’aime bien Buffet froid de Bertrand Blier. Il y a un passage dans le RER désert assez surréaliste mais très intéressant. Cette architecture des années 70 moderniste, sensée être très colorée et qui a mal vieilli. C’est assez poétique de voir que les architectures modernistes vieillissent souvent mal et deviennent vite has been. J’aime aussi les vieilles tours du 13e et de La Défense, elles dégagent une vraie poésie.
Ta ville rêvée pour jouer un concert ?
Y a deux ans j’ai été invité à jouer à Central Park, mais pour des raisons budgétaires ça a été annulé. Ca m’a un peu attristé, jouer à Central Park ça aurait pu être assez drôle.
Si tu devais remplacer un monument parisien par quelque chose ce serait lequel et par quoi ?
J’enlèverais la Tour Eiffel simplement pour le plaisir de changer les habitudes. Je la remplacerai par une plus petite Tour Eiffel en glace que les gens verraient fondre avec le réchauffement climatique. Et pour se rendre compte de l’impermanence de la vie, à la fin il n’y aurait plus de Tour Eiffel, juste une flaque d’eau. Ce serait rigolo.
Propos recueillis par Nadim Pothier
Paye ta ville réalisé au festival Les Pluies de Juillet