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Vitry-sur-Seine | L’action de RESF pour les jeunes menacés d’expulsions : le combat d’Amanda

Amanda est une étudiante mauricienne arrivée à Vitry-sur-Seine en 2010. Depuis elle a mené avec l’aide précieuse du Réseau éducation sans frontières (RESF) un combat de chaque jour pour obtenir un titre de séjour. Voici le parcours de cette jeune femme à la détermination sans faille.

Amanda, c’est une battante ! Cette mauricienne a tout juste 17 ans quand elle arrive en France, à Vitry-sur-Seine, chez sa grande sœur. Au départ, elle a fait le trajet depuis son île natale pour s’occuper de sa nièce et doit ensuite y repartir pour continuer ses études de comptabilité. Finalement, la jeune femme décide de rester en France pour continuer ses études. Elle s’inscrit alors au Lycée Professionnel Paul Bert à Maisons-Alfort.

Amanda dans un parc de Vitry-sur-Seine. Crédit photo : Olivier Salotti

Des années de galère

Au moment de son inscription, en 2011, Amanda est encore mineure mais elle aura 18 ans quelques mois plus tard. Elle pourra donc être menacée d’expulsion. Elle effectue alors seule une demande de titre de séjour à la préfecture qui est refusée. Motif : elle n’a pas assez de famille en France. Déçue mais pas abattue, elle effectue ensuite une deuxième demande de titre de séjour, cette fois accompagnée d’une lettre signée par ses camarades et ses professeurs, sans plus de réussite. La situation commence à devenir vraiment critique pour la jeune étudiante, qui prépare dans le même temps son baccalauréat.

Coup de tonnerre ! Peu avant le bac, Amanda reçoit une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous 30 jours. « Là, c’est la panique à bord forcément. Je ne savais plus quoi faire » explique-t-elle d’un ton grave. Pour elle, « c’est d’autant plus difficile à cet âge là et sans [ses] parents à [ses] côtés ». Heureusement, elle peut compter sur le soutien moral de ses copines et de sa soeur Dellefie pour trouver la force de continuer le combat. « Au moment où je voulais jeter l’éponge, je me suis dit que c’était bête parce que je m’étais déjà énormément battue pour rester ici. »

Malgré cette déconvenue et la peur de se faire arrêter, la jeune femme, déterminée, continue de suivre sa scolarité et obtient son baccalauréat en 2014. Dans le même temps, la jeune femme se lance, sur conseil de ses anciens professeurs, dans des recherches pour trouver une association qui puisse l’aider à s’en sortir. C’est alors qu’elle découvre le Réseau éducation sans frontières (RESF).

L’aide précieuse de RESF

Le Réseau éducation sans frontières est un réseau horizontal1 composé de militants bénévoles. Il a pour vocation première la défense des familles avec enfants scolarisés et des jeunes majeurs scolarisés en situation irrégulière. Amanda les contacte immédiatement. C’est dans ce cadre qu’elle fait la connaissance de Pierre.

« Pierre, c’est le genre de personne qu’on ne rencontre qu’une fois dans sa vie. Il a le cœur sur la main » confie la jeune femme. Cet enseignant à la retraite depuis 12 ans est un des coordinateurs et militants de RESF dans le Val-de-Marne. Il consacre une bonne partie de son temps au réseau. Il aide alors Amanda à remplir au mieux le dossier de demande de carte de séjour étudiant et va le défendre lui-même en préfecture. Le ciel commence ainsi à se découvrir pour Amanda. Premier soulagement après plusieurs années de démarches acharnées et jusque-là infructueuses, la toute jeune diplômée reçoit enfin une autorisation provisoire de séjour de 6 mois, de juillet 2014 à janvier 2015.

Rassemblement du 10 mai 2017 devant la Préfecture de Créteil. crédit : Pierre Lafrance

Malheureusement, l’apaisement est de courte durée. Amanda rate dans la foulée son inscription au BTS qu’elle souhaitait intégrer. L’angoisse commence à s’emparer de la jeune femme au mental pourtant solide. Elle se retrouve de nouveau sans études et sait que sans attestation de scolarité, elle ne pourra pas aspirer à l’obtention d’un titre de séjour étudiant. « A ce moment là, je me cachais chez moi parce que j’avais peur », confie-t-elle. « J’étais quand même une étrangère en France sans papiers ». Des professeurs au lycée Jean Macé à Vitry-sur-Seine, qui militent avec le réseau, réussissent alors à l’inscrire au sein de l’établissement en cours d’année. Certes, elle va en cours par défaut car ce n’est pas vraiment le BTS qu’elle veut faire. Mais elle peut de nouveau espérer obtenir un titre de séjour.

La délivrance, enfin ! Grâce à l’aide précieuse de Pierre et des professeurs du lycée Jean Macé, Amanda obtient une carte de séjour étudiant. « C’est un vrai soulagement parce qu’un titre de séjour c’est comme une carte d’identité en vrai. Ça sert pour faire plein de démarches, médicales par exemple ». « Je n’oublierais jamais ce que Pierre a fait pour moi » ajoute-t-elle pour marquer sa reconnaissance. Par la suite, Amanda intègre un BTS assistante de gestion à Fresnes, celui auquel elle aspire réellement. Le titre de séjour n’étant valable que pour une durée d’un an, elle le renouvelle chaque année grâce à son attestation de scolarité.

Et demain ?

Le combat n’est pas pour autant terminé pour Amanda. Elle vient d’obtenir son BTS, mais elle devra toujours justifier d’une scolarité ou d’un emploi pour renouveler son titre de séjour. La jeune femme veut travailler mais doit se dépêcher car pour elle « le temps est compté ». « Dès qu’on a réussi quelque chose, on est obligé de décider vite ce qu’on va faire derrière. Ce n’est pas une vie… pourquoi est-on obligé de se battre à ce point-là ? » s’interroge-t-elle. Malgré cette pression constante, la confiance reste : « Il y a encore des choses qui vont arriver mais je suis forte, patiente, pleine d’ambition et bien préparée avec les épreuves que j’ai traversées ». La force d’Amanda, c’est un sens du récit tourné vers le positif. Comme quand on lui demande de choisir trois mots pour décrire son expérience et qu’elle répond :

combat, persévérance et réussite

Pour Pierre, le co-référent départemental de RESF, le combat n’est pas fini non plus. Il y a encore beaucoup trop de jeunes et de familles qui se trouvent en grande difficulté de régularisation de séjour. Ce militant a d’ailleurs remarqué que cette année beaucoup d’entre eux, surtout des jeunes majeurs, faisaient l’objet d’une OQTF. Ainsi, les pétitions et les mobilisations devant les écoles, mairies ou préfectures – rassemblant jusqu’à des centaines de lycéens – sont loin d’être terminées. « On a toujours travaillé sur le nombre, la médiatisation et la mobilisation. Quelques centaines de jeunes devant la préfecture ça fait désordre et ça ne leur plaît pas beaucoup » explique-t-il. Et cela fonctionne jusque là, puisque « RESF a empêché la plupart des expulsions ». Depuis 2014, la section du Val-de-Marne a même obtenu la possibilité de présenter trente dossiers de régularisation en audience tous les deux mois.

Pour autant, Pierre n’a pas confiance en l’avenir. Il pense même qu’on est « mal barrés ». Il estime que la loi Asile et Immigration est « pire que ce qu’on pu faire Sarkozy et Hortefeux ». « C’est-à-dire qu’on peut monter la mise en rétention des gens jusqu’à 130 jours et que l’interdiction d’enfermement des enfants a été retoquée par le Sénat » précise-t-il d’un ton dépité. Enfin, il aimerait qu’on puisse demain sensibiliser la population à la gravité du “racket d’Etat” que subissent les jeunes une fois régularisés. L’ancien enseignant fait ici allusion au coût d’un titre de séjour. Celui-ci coûte en général 609 euros par personne la première année, en comptant le droit de visa pour les étrangers entrés en France sans en avoir. Il faut ensuite payer 269 euros chaque année pour renouveler le titre de séjour.

Une chose est sûre, un grand travail de sensibilisation sera sûrement nécessaire pour permettre à RESF de surmonter ses défis de demain.


1 Le Réseau Education Sans Frontières est un collectif sans statut juridique d’associations, de syndicats, de partis politiques et de citoyens qui luttent ensemble pour la régularisation des parents avec enfants scolarisés et des jeunes majeurs scolarisés sans papiers. Il trouve son expression dans toute la France à travers une multitude de réseaux locaux. Non seulement il n’existe pas de structure juridique, mais aucune hiérarchie, aucune procédure n’est définie comme étant la façon de fonctionner du Réseau Education Sans Frontières. A chaque cas ses soutiens, à chaque cas sa procédure d’action, à chaque situation son mode d‘action.

Photo de couverture : Rassemblement du 10 mai 2017 devant la Préfecture de Créteil. Crédit : Pierre Lafrance

Olivier

J'ai 22 ans et je suis étudiant en journalisme à l'IICP à Paris. Les cultures urbaines et la politique me passionnent. Mon ambition est de devenir journaliste en radio ou en télévision. J’ai une préférence pour les sujets politiques, sociétaux, environnementaux et culturels.

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Olivier

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