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L’interview « Paye ta Ville » avec Tomy Lobo

Résident du Canal 93 à Bobigny, Tomy Lobo c’est la mise en musique, en image et en scène les pérégrinations d’un personnage imaginaire aux multiples visages. Les membres du groupe, Arthur, Yann, Loïc et David, nous racontent leurs rapports à la banlieue et à la ville.

 

C’est quoi votre ville ?

Arthur : Je suis au Pré-st Gervais, je squatte chez David. Yann vit à Neuilly-Plaisance, et Loïc dans l’Essonne, à Tigery vers Evry.

Depuis combien de temps ?

Yann : Moi j’y ai quasiment toujours habité, depuis que j’ai trois ans.

Arthur : Mmh moi ça fait trois ans mais vu qu’il y avait Yann, que tout se passait à Neuilly-Plaisance, ça fait dix ans que j’y vais, que je fréquente la ville.

Loïc : Moi l’Essonne ça a toujours été… mon terter (rires). J’ai un peu bougé quand j’étais petit, là ça fait même pas 1 an que je suis à Tigery. Avant j’étais à Evry depuis 10 ans.

David : Moi ça fait trois ans que je suis au Pré.

Premier souvenir chacun dans votre ville ?

Arthur : A l’époque à Neuilly-Plaisance, on allait souvent aux Côteaux d’Avron. C’est un truc qu’on a découvert en marchant derrière le jardin d’un pote. On a marché là-dedans jusqu’à atterrir sur un terrain où il y avait un énorme chapiteau qu’on connaissait pas à l’époque. En fait c’est une école de cirque, le truc doit faire 30 mètres de haut. On a décidé de monter dessus et de faire du trampoline sur le chapiteau. Comme c’est déjà sur un plateau et que le truc fait une trentaine de mètres de haut tu vois tout le 93 en fait, c’est magnifique et on avait pris l’habitude de finir nos soirées sur ce chapiteau. On s’est beaucoup fait cramé par le gardien, qui est super sympa… L’histoire a fini en chute.

Yann : Ça a mis fin aux festivités, le premier qui dit chapiteau se prend une claque maintenant !

Loïc : Mon premier souvenir c’est quand j’ai emménagé en août, mon appart’ vide et plein de possibilités. Tigery c’est une toute petite ville de 3000 habitants et c’est hyper calme, c’est vraiment ce que je cherchais : un coin calme loin de Paris. C’est un peu comme la campagne mais dans le 91. Et j’habite à 2 min de chez ma tante et mes cousins donc c’est cool.

David : Le premier grec du 9-3, et ça n’en finit pas.

Est-ce que vous trouvez que vos ville d’origine ont changé ?

Loïc : J’ai grandi à La Ville du Bois dans le 91. J’ai vécu là-bas pendant quasi 10 ans mais j’y retourne plus du tout et puis je crois qu’ils ont complètement détruit le truc où j’habitais quand j’étais petit, ça fait un peu bizarre.

David : En Vendée : moi j’habitais à côté de la Roche sur Yon, à Landeronde. J’y retourne parfois pour voir ma famille, pour les anniversaires, des trucs comme ça. Ca a changé dans le sens où tous mes potes sont partis donc je me fais chier quand j’y retourne, sauf l’été. C’est à 15 minutes de la mer donc c’est toujours kiffant. Après c’est difficile de tous se retrouver au même moment avec tous mes potes, certains sont partis à l’étranger.

Arthur : J’ai vécu à Fresnes au tout début, j’y retourne parfois, ma mère habite toujours là-bas. Je trouve pas que ça ait tellement changé… mis à part le bar légendaire en face de la prison, son slogan c’était « Ici c’est mieux qu’en face ». C’était marqué sur le tableau à l’extérieur !

Yann : Moi je ne trouve pas que ça ait changé, ça vote toujours autant à droite ! Ils ont amélioré quelques trucs au niveau du centre-ville. Ça s’est pas trop gentrifié sinon, le Grand Paris n’a pas encore atteint ni Fresnes ni Neuilly-Plaisance.

La ville où vous aimeriez habiter ?

Loïc : Moi c’est Sarlat, en Dordogne ! J’ai plein de famille là-bas et j’aimerais trop y vivre un jour. Juste parce que c’est mes racines.

Yann : Là où tout se passe ! On habite en banlieue donc il y a des fois où tu te sens un peu coupé, quand tu dois faire des allers-retours en RER, ou que tu dois prendre la caisse, en plus j’ai pas le permis donc c’est un peu une galère. Moi, je préférerais habiter dans une grande ville, dans le vivier, à deux pas des salles de concert, des magasins de musique. Tout se passe surtout sur Paris. La banlieue j’aime bien, y’a un vrai charme mais pour la mobilité, pour la praticité projet ou quoi, être sur place, c’est mieux.

David : En face de la Maroquinerie !

Arthur : Par exemple… Et puis si on a envie de plus sortir, de voir des groupes émergents, ce qui serait bien c’est d’habiter dans un quartier genre Oberkampf, où t’as toutes les salles de concerts, des petites salles… Tu peux aller boire un coup comme ça sans galérer, sans devoir prendre un uber derrière à 20 balles ou un noctilien. J’ai besoin du tumulte pour avancer et pour réseauter.

Yann : Pour moi habiter à Paris ce serait une source de stress trop importante ! Il faut que tu puisses te poser.

Des bruits de la ville qui vous inspire ?

Yann : Le bruit de la ville en elle-même moi ça me bloque plus qu’autre chose dans la création…

Arthur : Après c’est un tumulte, c’est à dire qu’effectivement des fois tu vas vraiment très mal le recevoir et ça va se ressentir sur ta musique parce que tu vas peut-être être plus énervé ou quoi, ou alors tu vas faire quelque chose de plus posé, de plus calme…
David : Surtout, parfois on intègre des bruits métalliques ou percussifs dans la musique de Tomy Lobo et je pense que c’est inspiré de ça, de la ville quand tu prends le RER : t’entends toujours le bruit, les rythmes sur les rails tout ça… Je pense que ça nous influence sans le savoir.

Loïc : Je pense qu’il y a certains de nos titres qui ont pu être composés par rapport à ce qu’on ressentait dans la ville, comme Viperine ou Monsters. C’est des titres qui sont urgents. Forcément là où tu es ça influence ta création.

Ville idéale ?

Loïc : Comme disait Arthur, une ville où tu peux trouver des coins vraiment très calmes, où tu peux te ressourcer, dans un cocon hors du stress, et pouvoir être en 10 minutes au coeur de l’effervescence, dans des milieux artistiques où ça bouge. Ça me fait penser à ce que tu disais sur Valparaiso au Chili, tu m’as dit que c’est une ville qui t’avait beaucoup inspiré, y’a des sculptures, de l’art partout.

Arthur : C’est ça, c’est ce que je regrette un peu dans Paris. Tout est tellement historique et préservé, qu’en fait y’a aucune expression de la ville qui est possible. C’est comme en banlieue, y’a très peu de murs dispos pour les artistes, pour les grapheurs par exemple. On ne laisse pas assez d’espace alors qu’effectivement une ville comme Valparaiso c’est largement investi par les artistes. En France, c’est imprégné d’art et de culture mais on voit rien, faut sortir et voir des gens, leur parler pour se rendre compte de ce qui se fait.

Loic : Ça me fait penser, dans Paris t’avais des squats, genre à Ménilmontant, la Miroiterie. C’était un squat hyper branché, un lieu de concert et aussi un lieu de résidence pour plein d’artistes, typiquement le lieu autogéré où l’art s’exprimait sans cadre et sans restriction. Ça a fermé, les pouvoirs publics n’aiment pas vraiment l’autogestion.

Votre ville cauchemar ?

Arthur : On les voit quand on prend la nationale en Normandie. C’est des bleds où t’as la nationale qui passe, 5 maisons, c’est gris et y’a rien, aucune grande ville dans le périmètre, il doit rien se passer !

Loïc : Heureusement qu’il y a Internet derrière quoi.

Yann : Ouais et puis toutes les villes dirigées par des trucs identitaires… je dirais pas de nom mais Béziers ! Un truc où tout le monde est parqué, suscite la méfiance des autres, avec des interdits à tous les étages. Trop anxiogène pour moi.

Ce qui vous apaise en ville ?

De la bière, en terrasse ou même au fond du bar. Ouais de la bière et de la verdure.

Ce qui vous énerve le plus ?

David : Les taxis ou les scooters.

Arthur : Les types qui savent pas vivre avec les autres. C’est un truc qui m’énerve.

Yann : Les travaux aussi, ou les mecs en double-file !

Où est-ce que vous aimeriez bien prendre votre retraite ?

David : Une ville comme Nantes, c’est un entre-deux, t’as la mer à côté, tu peux sortir facilement, t’es moins bloqué qu’à Paris !

Une musique sur la ville ?

Loïc : On peut peut-être citer un de nos titres aussi, Night Prism et Viperine c’est vraiment des titres qui sont hyper identifiés à la ville et qui racontent un peu aussi des errances.

Yann et Arthur : Moi je pense que vraiment Dirty Boulevard de Lou Reed c’est une bonne référence, il parle de la ville pourrie dans laquelle il est né, et il veut justement s’en échapper. Il rêve d’autre chose.

 

Un film sur la ville ?

Arthur : Je pensais à Holy Motors de Leos Carax. On suit toute la journée un personnage dans une limousine, il sillonne Paris et il endosse des costumes différents : ça va être un tueur à gages à un moment, à un autre ça va être un amoureux sur la Samaritaine avec Kylie Minogue, puis ça va être un clochard qui déambule dans un cimetière et attaque une mannequin qui fait un shoot… Je trouve que c’est assez dans l’esprit de Tomy Lobo !

Où est-ce que vous vous posez quand vous allez à un concert ?

On commence derrière, on boit des coups, là y’a un son qu’arrive, on y va et on traverse toute la fosse. Soit tu vas voir un concert où on est fans hardcore et on boit un petit coup, voire trop parce qu’après on oublie le concert, soit tu vas voir un truc où t’es plus dans l’analyse, tu vas essayer de plus comprendre des choses, de comprendre le délire artistique…

 


 

Propos recueillis par Nadim Pothier

Nadim Pothier

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Nadim Pothier

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