Membre du collectif Objectif Crew, Chanje débarque de la banlieue ouest avec un premier EP ONI, sorti il y a quelques jours. Il était temps qu’il nous parle de ses repères, sous les néons ou les abribus.
T’habites où ? Je suis de Vélizy, dans le 78, depuis toujours.
Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? Un city stade, là où on joue au foot, qui était juste à côté de chez moi.
Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Grave. C’est peut-être aussi moi qui ai changé, ou du moins qui voit plus les différence. Mais c’est typique d’une ville gouvernée par les vieux : je parlais du city, il n’existe plus. Tous les city ont été détruits, sans que rien soit mis en place pour les jeunes. Sinon, c’est toujours les mêmes têtes. Sur ça ça n’a pas changé !
Qu’est-ce que tu regrettes de la ville d’où tu viens ? Il y a moins de choses pour s’amuser, donc pour s’épanouir, donc il y a plus de conflits avec les keufs parce que les gens traînent plus dehors. De là à regretter…C’est comme ça que les choses se passent, rien là-dedans n’est extrêmement grave.
Une expression de ta ville que tu aimes bien ? Les expressions sont parisiennes et classiques : « ça dit quoi ? », je ne pense pas que ça nous représente spécifiquement. Plus imagé, l’expression classique des parties de FIFA : « jt’envoie dans le bouillon ». C’est envoyer quelqu’un en mission, comme le soir où il faut organiser une soirée en un instant et répartir les tâches, ou qu’il faut demander un service.
C’est quoi pour toi le bruit de la ville ? Le scooter 50cc débridé.
La ville où t’aimerais habiter ? Aujourd’hui, je ne pourrais pas quitter la banlieue parisienne. J’suis accro à mon Ile-de-France.
Le premier extrait d’ONI
Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Imaginationland, pour South Park. Il y aurait beaucoup de choses à destination des jeunes, aucun HLM, que des pavillons. La police serait compréhensive, et à chaque coin de rue, un city stade !
Ta ville cauchemar ? C’est proche : que des pavillons, mais avec une mentalité comme….Versailles ! Aucun partage, aucun esprit d’entraide.
Ta ville idéale ? Paris, parce que les sorties c’est sur Paris, là où j’ai passé des nuits c’est sur Paris, c’est éclectique d’un arrondissement à l’autre. Sinon j’ai passé de belles nuits à me promener à Montpellier, à parler avec des gens qui dormaient dehors, des jeunes…
Ce qui t’apaise en ville ? L’inspiration. Le mouvement que j’observe depuis une terrasse de café. Je trouve que les gens racontent une histoire en marchant. Cela dit il y a aussi, dans les villes de banlieue, un calme que j’apprécie. Savoir que j’ai mon banc, qu’il est 4h du matin, que je suis seul avec moi-même sous un lampadaire…J’aime ces deux ambiances.
Ce qui t’énerve en ville ? Le stress. Autant j’aime voir et observer ce mouvement en étant assis, autant la foule dans Paris en heure de pointe peut vite me faire câbler. Et ça manque de contact. La nuit c’est différent, dans des quartiers comme Pigalle, ça boit, ça chante…
Ville de jour ou ville de nuit ? Ville de nuit, bien sûr.
Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Dans ma ville j’ai fait « le toit de l’autoroute », une sorte de passerelle où on se cale et qui surplombe. A faire, il y aurait les Arènes de Montmartre, les néons de Montmartre, ou les vieux magasins comme les laveries…
La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Souvent, on va « au 6e étage », l’appart où deux potes vivent en coloc – c’est devenu une institution. Ou les abribus. C’est une religion : un de mes endroits préférés, où j’ai passé des nuits et des nuits avec mes potes, jusqu’à avoir les doigts bleus en train de rouler une clope.
Et dans une ville étrangère ? Je fais les bars. Dans les grandes villes, c’est une manière de prendre le pouls de la ville.
Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? Il y a tout. Chez moi, je vais regarder les anciens, qui prennent leur pastis à 11h, qui parlent du PMU. Tandis que sur Paris, il y a cette petite jeunesse parisienne, ces filles en vespa avec les casques design, ces mecs de Marx Dormoy qui parlent, etc.
Plutôt multitude ou solitude ville ? Tout dépend de l’occasion : seul pour regarder les gens passent, mais au beau milieu de la foule si c’est pour un jour de match de foot.
La ville où prendre sa retraite ? Dans le sud, les pieds dans l’eau.
Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? Bezbar, le 18e. Ou ma ville, où je connais tous les bâtiments devant lesquels je peux me balader avec une vieille enceinte et un flash – une nuit parfaite.
Une musique sur la Ville ? C’est sur les codes postaux, mais Panam All Starz c’était un vrai choc. Chacun représentait son bled, j’avais adoré.
Un film sur la Ville ? La Haine. C’est pas très original, mais c’est un classique.
Ta ville rêvée pour jouer un concert ? Le Zénith de Paris ?
Ton endroit dans le monde préféré pour voir un live de musique ? Le festival de Dour, c’est une ambiance très très lourde.
Si tu devais améliorer quelque chose dans la ville dans laquelle tu vis, ça serait quoi ? Plus de budget, plus d’activités pour les jeunes. Toujours ce city stade, qui était entre tous les quartiers…maintenant ils ont mis un truc de ping-pong. Personne ne joue au ping-pong ! Avant tout le monde venait, s’y croisait, les anciens comme les gamins. On faisait des barbeuqs, il n’y avait pas d’embrouilles. Mais si ces espaces disparaissent sans alternative, on ne peut pas se plaindre que cet esprit meurt avec !
Si tu devais remplacer X monument par quelque chose ce serait par quoi ? A l’intérieur de Notre-Dame de Paris, je mettrais une putain de salle de concert. Avec l’acoustique folle. Et un toboggan depuis le haut de la Tour Montparnasse, qu’on rigole !
Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la Ville ? Parler d’un pilier, d’une figure de ma ville. J’aimerais faire un reportage en suivant ce genre de gens, qui sont là depuis toujours.
Photo de couverture : Jean Segura
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