L’ambition du Noise Festival : décloisonner la ville
A notre humble échelle, notre association vise à défendre des causes qui nous sont endogènes : lutte contre les discriminations, égalité des chances et d’accès à la culture, promotion de la diversité culturelle postcoloniale etc. Au fil des années, nous avons affiné notre ambition pour le travail de notre association au quotidien : créer des ponts entre les multiples communautés qui composent nos villes, qu’elles soient étudiantes, artistiques ou associatives.
C’est dans cette optique que nous avons décidé de créer notre propre festival en 2014. A travers cet événement, nous cherchons chaque année à montrer notre engagement et notre action. C’est pourquoi les événements sont si divers : nous voulons réfléchir mais aussi se détendre collectivement. C’est aussi pourquoi il est itinérant : nous cherchons à rassembler tous types de banlieusard.e.s et tous types de parisien.ne.s dans des lieux qu’ils ne fréquentent pas au quotidien. C’est enfin pourquoi le Noise Festival cherche sans cesse à dénicher de nouveaux talents, à mettre en lumière différentes narrations, et à sensibiliser notre public principalement étudiant aux enjeux de nos sociétés urbaines, du centre à ses quartiers périphériques.
En quatre éditions, notre public a plus que doublé, et nous prenons plaisir à travailler avec des acteurs associatifs et des artistes des villes de Saint-Denis, Montreuil, Saint-Ouen, Bondy, Clichy-Montfermeil ou encore Villejuif.
Côté programmation, nous nous évertuons tous les ans à proposer une direction artistique éclectique (Hip-Hop, House, R’n’b, Techno, Pop, Rock etc) qui puisse mélanger différents publics, et nous avons toujours mis un point d’honneur à mettre en avant des artistes issus de l’immigration et des quartiers populaires (La Caution, Niro, Kiddy Smile, Alkpote, Ichon, Prince Waly, Espiiem, Kacem Wapalek etc).
Suite à des programmations en-deçà de nos engagements, débats internes et alignement avec une réflexion plus féministe
Mais là où l’association revendique, via ses membres et par ses conférences ou son magazine, un positionnement éditorial militant assumé qui prône l’égalité, le soutien et la représentation des minorités urbaines, nous avons présenté en 2017 une programmation quasi exclusivement masculine, sans aucune tête d’affiche féminine. “Houston, nous avons un problème”.
Un an après cette remise en question de notre action citoyenne, les membres actifs de l’association ont remis à plat les contradictions entre nos aspirations militantes et nos actions, et ce notamment sur les questions de diversité et de représentativité. Et cherché à donner plus de cohérence à l’ensemble de nos activités.
La petite vingtaine de membres actifs de notre association a grandi dans les quatre coins de la francophonie : région parisienne, Bretagne, Drôme, banlieue rouennaise, Sénégal ou encore La Réunion. La moitié d’entre nous est issue de l’immigration postcoloniale française (Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est, Maghreb, Outre-Mers) avec une importante majorité de femmes, dont une présidente, une coordinatrice générale du festival et une responsable des événements de réflexion.
Cette prise de conscience collective a donc renforcé notre volonté de défendre de manière plus visible, plus militante nos positions. Les conférences s’étaient emparées plus tôt de ces questions, les autres projets ont cherché à suivre. D’abord avec un apéro sur la sororité, puis avec cette programmation résolument mixte. Nous somme conscients que cette amélioration de la représentativité féminine n’est ni parfaite ni une fin en soi, et qu’il y aura toujours matière à mettre en avant d’autres communautés et d’autres enjeux.
Nous savons aussi pertinemment que l’un des meilleur moyen pour donner à tous les moyens d’exister passe par la redistribution des subventions publiques que notre association perçoit. A ce titre, le Noise Festival constitue notre meilleur levier pour aller dans le bon sens.
Le Noise Festival 2018, le reflet de notre vision d’une ville inclusive, éclectique et paritaire
Loin devant nos autres événements (conférences, apéros, soirées), nos ateliers médias#lebruitdemaville et notre magazine participatif en ligne, le Noise Festival est notre projet le plus important, celui qui fédère le plus de monde mais qui nous demande aussi le plus de ressources humaines et financières.
Avec notre équipe entièrement bénévole et le budget d’un événement local à des années lumières de nos voisins Rock-en-Seine, We Love Green ou encore Pitchfork et Afropunk, notre festival francilien s’est très vite positionné comme une plateforme éclectique et engagée pour artistes émergents, avec le meilleur rapport tarif/qualité de programmation (13 euros le pass 2 jours qui offre accès à une quinzaine de concerts Hip-Hop/RnB/House/Techno/Pop/Rock).
C’est à donc son échelle que le Noise Festival, en partie financé par nos universités partenaires et certaines collectivités locales franciliennes, doit veiller à ne plus reproduire la fabrique des inégalités de genre qui minore, invisibilise, voire exclut, des femmes aussi bien dans la réflexion et l’élaboration de nos sociétés urbaines que dans la réinvention de notre patrimoine artistique et culturel, du centre à la périphérie.
Notre équipe veut ainsi lutter contre cette discrimination structurelle – très bien analysée par ce récent rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes publié en février 2018 – qui perpétue à l’invisibilisation des femmes, les rapports de dépendance aux hommes, et les stéréotypes sexistes dans les productions culturelles actuelles.
Pour notre édition 2018, cet engagement de principe a guidé des arbitrages budgétaires importants. C’était la condition pour rester cohérents avec notre vision paritaire et nos valeurs de diversité et d’égalité des chances.
Notre association est ainsi fière de compter dans la programmation de notre festival :
– la journaliste, essayiste et réalisatrice Rokhaya Diallo comme première marraine qui animera la masterclasse inaugurale de notre festival à Sciences Po ;
– les artistes Mai Lan, Sabrina Bellaouel, Lala &ce et Kayna Samet comme têtes d’affiches à nos concerts notre Club 94 au Portail de Villejuif et aux festivités du Midi-Minuit à la Maison de la Jeunesse de Saint-Denis ;
– L’entrepreneure Gnanki Dokoto et l’investisseure Marieme Ndeye Diop qui partageront leurs expériences respectives lors de notre conférence sur l’Entrepreneuriat Tech des Diasporas à l’Université Paris-1 Panthéon Sorbonne ;
– La militante Amal Bentounsi qui débattra lors de notre projection-conférence sur le sujet complexe des violences policières à l’université Paris-8.
Issues de générations et d’origines diverses, ces femmes sont des talents dans leurs domaines respectifs. Leurs vécus singuliers et leurs différentes esthétiques ont vertu d’inspirer notre communauté dans l’observation, l’analyse et la célébration de la ville, aussi bien dans ses dynamiques culturelle que dans ses rapports de force. Notre féminisme se veut inclusif, et gagnera encore à s’enrichir de nouvelles voix. A ce titre, le Noise Festival 2018 marque une avancée, et certainement pas un aboutissement.
Conclusion
Vous l’avez compris, cette cinquième édition du Noise Festival représente un tournant paritaire et féministe dans notre programmation globale, aussi bien dans nos évènements de réflexion collective que dans nos performances artistiques. En publiant ce texte, nous souhaitons montrer l’état de nos réflexions et justifier de votre soutien et votre participation à notre événement pluridisciplinaire, itinérant et engagé.
Comme toutes démarches militantes qui dépassent nos propres personnes organisatrices, notre équipe s’éduque et tente de se sortir de ses propres contradictions. Les discussions sont permanentes, et certain.e.s diront perpétuelles.
Nous commençons seulement à mieux faire. Mais nous ne pouvons qu’espérer que les autres équipes de programmation événementielle de toutes tailles partagent nos réflexions, et travaillent elles aussi à valoriser davantage de personnalités féminines, pour restaurer la place qui leur est due dans notre société, ainsi que de notre patrimoine culturel et artistique.
A très vite !
Le Noise Crew
Crédits photos de couverture : Rokhaya Diallo (© Brigitte Sombié) – Mai Lan (© Sandra Fourqui) – Lala &ce (© Les Inrocks) – Sabrina Bellaouel (© Lisa Smidt)
Les autres activités de Noise la Ville
Noise la ville a été créé en 2011 par une bande d’étudiants et d’étudiantes de Sciences Po, issu.e.s de milieux sociaux relativement différents en 2011, soit une dizaine d’année après la mise en place de la politique de diversité sociale avec ses recrutements dans les quartiers populaires.
Notre association née de la frustration d’une bande d’ami.e.s qui déplorait un manque de diversité culturelle et artistique, notamment de Hip-Hop, au sein de Sciences Po, que ce soit au niveau pédagogique que celui de la vie étudiante. Constituée en association, cette bande d’amis alors commencé à organiser nos propres conférences sur le Hip-Hop, en invitant à Sciences Po nos artistes préférés à venir partager leurs travaux et réflexions : Youssoupha, Oxmo Puccino, La Rumeur, Kim Chapiron, Bruce Ykanji, Abdel Raouf Dafri, Ladj Ly, Enki Bilal etc.
Depuis quelques années ces conférences se sont exportées dans d’autres cercles étudiants, que ce soit aux universités Paris-1, Paris-3, Paris-7, Paris-8,ou encore l’école numérique Simplon à Montreuil, où l’on a organisé un forum sur l’impact du numérique dans les quartiers populaires.
En parallèle de nos événements, notre équipe anime un média participatif en ligne qui se donne pour mission de valoriser des projets et des personnalités qui participent à la vitalité culturelle de la ville, et ce notamment en région Parisienne.
Depuis l’automne 2017, notre association a lancé #LeBruitDeMaVille, un programme d’initiation aux métiers du journalisme et de la création de contenu qui accompagne une douzaine de jeunes (16-30 ans) issu.e.s de la partie nord du RER E (Rosa Parks, Pantin, Noisy-Le-Sec, Bondy, Clichy-Montfermeil).
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