Qu’est-ce qu’il se passe dans le café du coin en pleine journée ? Hakim donne son point de vue sur le quartier, son métier et sur ce qu’il aperçoit autour de la gare de Pantin.
Le café est quasi vide. 4-5 clients au comptoir. Il est 15h00 et Hakim tchatche avec ses habitués tout en leur servant un café. Rasé de près et les cheveux plaqués en arrière avec de légers golfes, sa carrure de sportif étonne pour un gérant de bar. Pull près du corps, il a toujours le regard brun assuré au cas où quelqu’un aurait besoin de lui. Dans cette ambiance sobre, ça rigole et parle fort entre hommes. La présence d’une femme dénote peut-être avec les habitudes et le comportement est sûrement différent : dragueur voir un peu lourd.
Hakim pose des questions sans réellement écouter les réponses en s’adossant au bar les bras croisés :
« Et tu crois que c’est pourquoi qu’ils font ça ? »
Il tient l’établissement depuis six ans par le plan d’un ami.
Habiter à Pantin ne « l’intéresse pas », pour vivre tranquillement avec sa femme et ses enfants, il préfère un environnement plus « verdoyant ». Selon lui l’atmosphère de la gare s’est détériorée. Adossé au bar, il hausse les épaules en regrettant le vandalisme récent des environs. Il fait parti de ces patrons qui attendent le démarrage du Grand Paris avec impatience.
Hakim s’occupe de son client en répondant en arabe au téléphone :
« Un deuxième allongé stp ! »
« Un seau d’eau ? » (rires)
Parfois des curieux désirant s’installer dans les nouveaux condos du coin lui demandent ce qu’ils pensent du quartier. Hakim l’apprenti conseiller immobilier propose toujours humblement « de venir matin, midi et soir » pour se « faire leur propre avis ».
« Johnny a tout laissé derrière lui ».
« L’Algérie, c’est ma mère mais la France c’est ma mère adoptive ».
Il enchaîne les punchlines un peu clichées et saute du coq à l’âne. Hakim a le mental de sportif, il arrête pas tant qu’il l’a pas décidé.
« Je tiens une affaire, je veux la réussite». Il avait flairé « que ça allait se développer ». A l’approche d’une gare et des bureaux, il voit des améliorations depuis son installation mais il « reste encore beaucoup de choses à faire ».
le problème c’est qu’il y a pas assez de stationnements et puis surtout il y a les constructions ». Le parking en face a été remplacé par un projet immobilier toujours en cours : « c’est des clients en moins. » Malgré la situation temporaire, c’est un défi à affronter pour « l’avant-animation ».
« Hakim, un café stp ! »
« J’arrive, je discute avec la demoiselle. »
« Oue désolé, je suis crevé, je me suis levé depuis 4h ce matin, c’est ma première pause. »
« Moi à ton âge, je dormais pas ! »
Hakim. C’est tout le monde qu’il veut mettre k.o.
Écrit par Inès Rezzine
Illustration par Afroboyiv
Article extrait de la série de portraits sur le RER E
Le 6 décembre 2017, onze jeunes auteur.e.s sont partis à la rencontre de parfaits inconnus sur les quais et dans les rames du RER E. De ces rencontres, ils ont choisi de mettre en lumière une ou deux personnalités. Voici donc la première série d’articles du programme « Le Bruit de ma Ville » : des portraits d’usagers de la ligne nord du RER E.