L’interview « Paye ta Ville » avec Bebar

Jeune graffeur de Vitry-sur-Seine, Bebar est un familier de notre festival. Invité à l’édition 2016 à Villejuif, dans son 94 natal, il avait rempli le Chêne de ses personnages colorés, délirants et dégoulinants.

T’habites où ? À Vitry-sur-Seine, 94400, capitale parisienne de l’art urbain.

T’y es depuis combien de temps ? Depuis que j’y suis né donc depuis plus de 24 ans.

Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? La quantité de braquage à la semaine, on appelait Vitry la « capitale des braquos » avant qu’elle soit capitale « streetart ».

Est-ce que tu trouves que Vitry a changé ? Énormément, Vitry était très réputée pour ses faits divers, les braquages, les homicides… et j’en passe. Il s’est passé quelque chose avec l’art urbain et contemporain. Les artistes urbains sont parvenus à faire muer la peau de cette ville. Elle n’est plus aussi terne, ses habitants non plus : en tout cas l’art urbain a favorisé la reconsidération de Vitry comme une ville culturelle et pas seulement une ville à faits divers. Après, de nombreux problèmes subsistent pour autant.

Où est-ce que tu vas pour te poser ? Je vais au terrain de graff rue Louise Aglaé Cretté, près du collège lycée Romain Rolland. On y peint, on y faisait souvent des barbecues, des réunions entre vitriots et passionnés du hip hop ou graffiti. Sinon j’aime bien aller prendre un café à la gare de Vitry, tout simplement.

Une expression (orale, gestuelle…) de ta ville que tu aimes bien ?

Nous avons un vocabulaire réputé issu des rappeurs vitriots comme RimK, Rohff, etc. Genre gros, fou furieux, foolek, katkatdeux (faire un truc en rapidement), dinguerie, ksos…

Sinon on dit souvent :
Zarziz : ville de Tunisie signifiant la contrefaçon. Ex :« il a acheté une bécane de Zarziz ».
– « Tranquille dans ta tête » : quand rien ne va plus.
– Quand une personne fait de la merde on rajoute -sserie à son prénom : « il a fait une lucasserie » ou « une nelsonnerie ».
– « J’suis d’la choc » ou « de la choc point com » : être choqué.
– Il y en a quelques unes inspirées par le film Dikkenek comme « Alien va » (stupide) et « Joetdi » (je te dis).

C’est quoi pour toi le bruit de la ville ? Sans hésiter, les pirates du bitume qui font des cabrioles du matin au soir en KX, KTM, TMax, Scooter, Stunt et autres. Mais mon bruit préféré dans une ville serait celui des rares mouettes qui la survolent : elles sont ma madeleine de Proust et me téléportent près de la mer et de mes racines espagnoles.

La ville où tu aimerais habiter ? J’aime bien bouger, je me lasse vite de tout mais si je dois répondre je dirais Barcelone, car je ne connais pas bien. Madrid aussi et peut-être New York. Mais tout cela pour une durée déterminée car j’aurai toujours un pied à Paris.

Si tu devais inventer une ville idéale, elle s’appellerait comment et elle ressemblerait à quoi ? « Meuda-sur-Seine », un mélange de Amsterdam et de Vitry à la fois, même si je ne fume plus de sandwich… Brooklyn m’a beaucoup rappelé Vitry également donc une touche de hipster banlieusard écolo et qui se peut se nourrir de plein de cultures différentes avec la mer pas loin.

Et ta ville cauchemar ? Je pense pas encore en avoir une mais si je dois en choisir une je dirais Paris sans sa banlieue. Ce serait vraiment triste.

Qu’est ce qui t’apaise en ville ? La nourriture qu’on y trouve, l’humeur des riverains, la créativité d’un quartier et les diverses cultures qu’elle reflète. Le côté cosmopolite d’une ville. J’ai la double nationalité, c’est rassurant et fondamental pour moi la diversité.

Ce qui t’énerve en ville ? Les gens de mauvaise humeur évidemment. Des gens qui se voient tous les jours et qui s’efforcent de ne pas se dire bonjour, c’est hypocrite.

Plutôt ville de jour ou ville de nuit ? Je préfère être en ville de nuit mais à Vitry de nuit il n’y a pas grand chose. Même pour sortir, les RER se terminent vite et pour rentrer idem. Heureusement il reste le vélo, les noctiliens ou Uber pour sortir ou rentrer tard.

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Aller au café tôt le matin, acheter 2 clémentines et 4 dattes Majhoul et aller graffer dès que l’envie me prend.

Et quand tu débarques dans une ville étrangère ? Manger tous les plats traditionnels et m’imprégner de la culture sur place pour prendre du recul. Évidemment laisser ma trace est OBLIGATOIRE : stickers, graff, tag ou exposition, tout est bon pour marquer son passage.

Quelle est la ville avec les meilleurs graffitis ? Pour l’instant New York, sans hésitation.

Quel est le spot le plus ouf/impossible que tu voudrais peindre ? Un lieu de culte ou un monument…

Comment tu repères un spot ? Je passe devant et je me dis « merde il faut que je sois là avant que quelqu’un me vole la place ».

Plutôt multitude ou solitude ville ? Plutôt multitude ; j’aime être entouré, manger accompagné d’amis… même pour peindre j’aime bien la foule, ça dissimule et rend la chose limite légale. C’est mon côté exhibitionniste. 

La ville où prendre sa retraite ? Une ville d’Espagne, n’importe laquelle mais quitte à choisir je dirais Palma de Mallorque.

Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? New York c’est hors du commun pour un Européen. Ça nous fait vraiment sentir que nos capitales (Paris surtout) sont des villages. Les lumières, les bruits, les dimensions et cette sensation de grandeur, j’adore.

Une musique sur la ville ? Princes de la Ville de 113, sans hésiter.

Un film sur la ville ? Les Démons de Jésus qui traite de la construction des premières périphéries urbaines. C’est un film culte par la même occasion.

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la Ville ? Le plat que je préfère manger en ville. Mon plat préféré à Paris serait un libanais : le ZAATAR LIBANAIS, sur le Boulevard Voltaire, je prendrais le « Falafel du chef ».


Lis les derniers « Paye ta Ville » avec X PonK et Tricky.

David

David est journaliste pigiste, ancien rédacteur en chef de Noise la ville.

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