B.e.Labeu, à l’image de son collectif Nohell un touche à tout. Quand il n’est pas DA pour les clubs parisiens, il rap ou dessine. Je dessine, c’est d’ailleurs le titre de son nouveau titre réalisé par Jules Robial & Alexis Jaulmes. Il s’est prêté à notre PTV hebdomadaire pour évoquer avec sincérité son parcours, sa détestation pour « les gens qui ne se regardent pas » et même son amour pour la weed (qu’on ne conseille pas).
Salut B.e.Labeu ! Pourquoi B.e.Labeu d’ailleurs ? Ah, tu veux savoir comment j’ai construit ce nom ? Les secrets de son architecture… Pour faire court, disons qu’on m’appelait B.e. pour une raison et Labeu pour une autre. Pour faire long, B.e. car il était commun d’épeler nos noms quand on rappait à l’ancienne. Mon petit nom c’était Ben-j, de B.E.N.J. qui par la suite est devenu B.E.
Après, j’avais toujours de la beu, de la grosse skunk, ce qui était super rare à l’époque dans le milieu. Les rappeurs ne juraient que par le shit et la hiya. De là est né le personnage. B.e. parce que je suis pointilleux, Labeu parce que c’est fédérateur au-delà du rap. Y’a pas que des mecs relous ou que des losers qui fument la beuh. J’ai fumé avec des millionnaires…
Tu fais partie du crew Nohell, peux-tu nous en dire plus sur vos activités ? A l’origine c’était un collectif, aujourd’hui nous sommes plutôt un label. Nous avons développé nos événements quand j’ai eu l’opportunité de prendre la direction artistique d’un club, sur des créneaux libres ou des dates bâtardes. On a une approche 360° pour nos productions, et nos compétences, diverses, nous permettent de ne dépendre que de nous-mêmes. Il n’y a que des couteaux suisses dans la bande. Nous essayons de ne pas être en position de demande envers les autres. Notre état d’esprit c’est : « Nous on veut faire ça, on va le faire d’ailleurs, avec ou sans vous ». Paradoxalement, je pense que c’est cet esprit qui nous a permis d’accumuler pas mal de collaborations…
Où habites-tu ? En ce moment je suis vers Montreuil. C’est une ville avec une bonne énergie et qui bouge pas mal. J’ai vécu toute mon enfance à Levallois. Mes parents y habitent depuis l’époque des Jean Gab’ et de l’usine Citroën. Faut dire qu’avant que Patrick Balkany ne devienne maire, Levallois était une ville ouvrière, il y avait les usines Citroën et Gustave Eiffel. J’ai également vécu dans le 92 « et demi » comme je l’appelle, c’est à dire à Clichy, en limite de St-Ouen.
Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? Au milieu des années 90, Balkany commençait à « laver » la ville. J’ai 10-11 ans pas plus… des flics en civil nous sautent dessus, et nous demandent nos papiers. J’ai toujours été grand de taille, à l’époque je devais déjà faire la taille d’un mec de 14-16 ans. Le flic ne regarde même pas ma date de naissance. Il me dit en ricanant que je m’appelle Benjamin mais que je devrais m’appeler Mohamed. Je ne l’ai pas mal pris sur le coup, puisque c’était le prénom de naissance de mon père. L’enfant métisse que j’étais n’y avait pas vraiment prêté attention… Ce n’est qu’en grandissant que j’ai capté le sens de cette vanne foireuse.
Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Ah carrément, elle est passée de ville ouvrière avec des squats à un ghetto riche. Et ça, peu de gens le savent.
Où est-ce que tu vas pour te poser ? En général sur les quais de Seine. Pour moi, c’est un peu comme la plage, tout le monde est au même niveau. Le soleil touche tout le monde indistinctement. On s’en fout de la marque de ton t-shirt, t’as plus de t-shirt…
Une expression de ta ville que tu aimes bien ? Non j’vois pas… Après j’ai toujours été assez dans ma bulle… La chance que j’ai eue, c’est que mon père travaillait chez Air France. J’ai pu beaucoup voyager, avec les enfants des employés on partait en colo et, tout comme à Levallois, je pouvais partir avec des fils et filles de bourges et d’ouvriers.
Dès l’adolescence, je ne pouvais pas m’enfermer dans une ville. On se donnait rendez-vous à Châtelet, on partait en week-end chez les uns et les autres… J’ai connu Clichy-Montfermeil avant les émeutes en allant voir mon pote Laurent. C’était quelques chose… J’avais jamais vu ça, à part peut-être à Stains (Seine-Saint-Denis). Il y avait des zones de non-droit, tous les rez-de-chaussée barricadés…
C’est quoi pour toi le bruit de la ville ? Pour les textes, la rumeur et la loi du silence.
B.e.Labeu en première partie du rappeur Biffty
La ville où t’aimerais habiter ? Barcelone, direct ! Facile d’accès, moderne, proche de l’Europe, de l’Afrique… Révolutionnaire par l’art et la pensée… Magnifique !
Des bruits de la ville qui t’ont influencé dans tes productions ? Peut-être les bouchons dus aux camions-poubelles… Mais aussi les cris… Je pense à la prod’ de Paris j’arrive où tu peux retrouver Riski Metekson (Metek), Hi fi et Joke. Metek a fait une Metek et a effacé le clip un jour ou il voulait arrêter le rap… Mais vous pouvez toujours le trouver sur Deezer, Spotify ou sur son Bandcamp. C’est son meilleur street hit, on devait faire un album qui devait s’appeler « Le Rouge et le Noir ».
Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Labeuland ! Ce serait un jardin botanique ! Le cannabis serait dépénalisé, il y en aurait dans les jardins publics et dans des serres sur tous les toits. Il y aurait aussi des panneaux solaires mêlés à de la végétation. On aurait pour but de sauver le reste du monde, en intégrant tous les rebuts de la société. On y ferait des médicaments, du carburant, du linge, même du shampoing au CBD (ndlr : l’un des principes actifs du cannabis). Il y aurait une nouvelle monnaie, le Beuro… mais on pratiquerait surtout le troc. L’énergie humaine sera la chose la plus plébiscitée. On dit que c’est l’argent qui fait tourner le monde mais non. C’est bel et bien l’énergie. L’argent n’est qu’un outil. Nous sommes la clef pour faire bouger les choses.
Ta ville cauchemar ? Yzokras, ville reprenant la philosophie nazie et totalement contrôlée par « l’argent » et des retraités pilotes de drones. Toute la population est épiée et sous contrôle, chaque délit est instantanément jugé et passible de la peine de mort, afin d’éradiquer les esprits rebelles.
Ta ville idéale ? Paris au soleil, avec la mer et sans son côté élitiste.
Ce qui t’apaise en ville ? Pas grand-chose… C’est trop excitant.
Ce qui t’énerve en ville ? Les gens ne se regardent pas. On est connecté aux réseaux mais déconnecté du monde réel. On dirait qu’on n’a pas de famille, pas d’éducation, c’est plus fort que nous… La dernière fois j’étais dans le métro. J’étais rentré au terminus donc j’avais ma place, et j’étais sur mon tel. Je jouais à un jeu débile, et là, j’entends une petite voix frêle : « Excusez-moi… ».
En relevant la tête, je m’aperçois que c’est une vieille dame qui me parle. Instantanément je me suis mis au garde à vous et lui ai laissé ma place en m’excusant de ne me pas mettre rendu compte de sa présence, et de l’effet néfaste des portables. De là est né une interaction avec tout le wagon, entre sourires et anecdotes. C’était un beau moment.
Ville de jour ou ville de nuit ? De l’ombre à la lumière toujours… Toute lumière qui brille a besoin de l’obscurité !
Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Ça fait un peu déjà-vu mais je dirais Tokyo. Notre génération pense que le Japon nous a vraiment flingué ! Ce sont les premiers à avoir excellé dans la science-fiction via les mangas. Les effets spéciaux d’Hollywood commencent seulement à pouvoir rivaliser ! Ils sont trop dans le turf là-bas.
La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Marcher, la traverser pour y constater les changements, ou bien que ça n’a pas bougé.
Et dans une ville étrangère ? Marcher, la traverser pour la découvrir. Quadriller le terrain.
Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? Les serveurs et serveuses. C’est eux les stars de ces spots. Ceux qui y travaillent, qui y mettent de l’âme… D’ailleurs bon nombre finissent vidés. Je leur dédicace toute ma musique, pour qu’ils puissent faire le plein.
Plutôt multitude ou solitude ville ? Solitude ville.
La ville où prendre sa retraite ? Barcelone.
Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? Paris.
Une musique sur la Ville ? Le poinçonneur des Lilas.
Un film sur la Ville ? Brazil, de Terry Gilliam.
Ta ville rêvée pour jouer un concert ? Amsterdam ! C’est aussi la ville que je préfère pour voir un live de musique d’ailleurs.
La ville que tu préfères pour acheter des CD ? Tours. J’y vais depuis petit, ayant de la famille dans la campagne aux alentours, ainsi qu’en Normandie. Coincé au milieu des champs, c’est sûrement là-bas que j’ai développé mon imagination. Bref, tout ça pour dire que c’était l’activité principale : aller en ville et galérer, donc forcément ça se finissait à la Fnac à parler musique avec le vendeur, lui demander des choses que peu de gens connaissaient…
Quelle est la ville la moins développé que tu as pu visiter ? Les bidonvilles aux alentours d’Adrar dans le désert algérien. J’avais trouvé ça fou. Les gens essayaient de vivre comme en Occident, sans savoir comme c’est vraiment, sans même avoir la télé. La plupart des gens avait acheté des toilettes pour en avoir chez soi, sauf qu’il n’y a pas de systèmes d’évacuations contrairement aux gens derrière le fort et au lieu de continuer a faire des tas de fumier comme au village.
Obligé de chier dans des toilettes turques qui grouillaient de cafards, dignes d’un film d’horreur, l’antre de l’enfer… En mode Fort-Boyard… Voilà c’était la minute scato. Parfait pour finir.
Propos recueillis par RM
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