Paye ta Ville

L’interview « Paye ta Ville » de Templar

Templar, enfant du RER B, ulissien de coeur et rappeur membre d’Ul’Team Atom nous parle briques rouges du Queens, métro et scooter. Son nouveau projet solo Beat.Coeur.Stylo est sorti cette année.

T’habites où ? À Montrouge.

T’y habites depuis combien de temps ? Depuis 2009.

Ton premier souvenir marquant dans la ville où tu habites ? À la base, je viens d’Antony au bout du RER B. À Montrouge, ce qui m’a étonné c’est qu’en me baladant le long de l’avenue principale, je suis arrivé à Paris. J’étais un peu ému de me dire qu’on peut rentrer chez soi de Paris à pieds. Tous ceux qui ont galéré dans leur jeunesse pour rentrer chez eux comprendront.

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Elle avait déjà commencé à changer avant que j’arrive. On voit encore des traces de son histoire ouvrière et communiste, entre autres des bars où les ouvriers se réunissaient. Aujourd’hui, c’est devenu un terrain d’exploitation, notamment du fait de la proximité avec Paris : les nouvelles habitations poussent comme des champignons. C’est une transformation qui est quasi quotidienne.

Où est-ce que tu vas pour te poser, être seul-tout ? Dans le métro, pour bouquiner. J’aime bien prendre la ligne 4. Ça m’arrive même de faire l’aller-retour.

La ville où tu es né ? Je suis né à Châtenay-Malabry mais c’était vraiment pour quelques jours. Sinon j’ai grandi à Antony. Toute ma jeunesse est là-bas.

Qu’est-ce que tu regrettes de cette ville ? L’arrivée d’Orly-Val. On avait une gare plutôt sympathique pour traîner, draguer, rapper… Avec l’arrivée du Val c’est devenu un bâtiment un peu plus imposant, moderne, froid. Ça a perdu de son charme. Après, ça nous a pas empêché de continuer à y trainer !

Une expression de ta ville que tu aimes bien ? L’expression qui m’a marquée, elle vient pas de ma ville, mais de ma ville adoptive. J’ai beaucoup traîné aux Ulis du fait de mon appartenance au groupe Ul’team Atom. Quand quelqu’un venait se greffer à notre bail sans être forcément dans le même délire on disait : « Il est sérieux le JL, là ? », et chez nous ça voulait dire Joe L’incruste en fait. C’était notre slang, notre argot à nous. Y’a tout un tas de mots qui se sont bâtis, comme ça, au fil du temps.

La ville où t’aimerais habiter ? Paris je pense. Même si c’est une grande ville, comme je suis en scoot, je peux en faire le tour assez rapidement et passer d’une ambiance à une autre en 15 minutes à peine. Ça me fait kiffer.

Les bruits de la ville qui t’ont influencé dans tes productions ? Le métro qui pour moi est un lieu créatif. Quand je suis en scooter, j’écoute aussi beaucoup les bruits qui m’entourent. Paris est une ville qui grouille d’inspirations.

La carte du métro parisien

Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Elle s’appellerait « Bibliotown ». Ce serait une ville où on aurait les mêmes choses que dans Paris mais avec des bibliothèques un peu partout et des livres mis à disposition en extérieur, dans le métro, etc.

Ta ville cauchemar ? Y’a deux types de villes cauchemar pour moi : les villes champignons et les villes comme Toulon où je sais que plus de la moitié des habitants a tendance à voter pour l’extrême droite. J’ai du mal à m’y balader tranquillement même si le cadre est plutôt sympathique.

Ce qui t’apaise en ville ? Le métro !

Ce qui t’énerve en ville ? Le stress que ça génère. On rate plein de choses en étant pressé. « Qui va piano, va sano »; comme on dit chez moi en Corse !

Ville de jour ou ville de nuit ? Ville de nuit. Je suis plus inspiré la nuit.

Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Y’en a plein. La rue principale à Châtelet-Les Halles où y’avait le magasin Urban Music. J’y ai acheté mes premiers vinyles de rap. Pour moi c’est un lieu hyper symbolique, celui qui m’a donné l’envie de rapper. Y’a aussi la vue qu’on a de Montmartre sur Paris qui est magnifique, même si ça a déjà été fait. Après j’aimerais bien l’avoir pour moi tout seul, sans les touristes.

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Quand j’ai le temps, j’achète le journal et je prends mon café en terrasse. Au Titi Touareg notamment pas loin de chez moi, à Montrouge.

Et dans une ville étrangère ? C’est pas vraiment l’étranger mais en Corse, à Bastellica, la ville dont est originaire ma famille, l’habitude c’est d’aller chercher l’eau à la source. Elle a un goût inimitable. La meilleure eau du monde !

Le type de personnes que t’aimes observer à une terrasse de café ? Je suis assez fasciné par les personnes un peu plus âgées. On a l’habitude de dire qu’une ride raconte une histoire ou un souvenir. Avec les personnes âgées, c’est plus facile de s’imaginer ce qu’ils ont pu traverser, les époques qu’ils ont connues, etc. comme on le fait tous parfois en voyant passer les gens.

Plutôt multitude ou solitude ville ? La solitude dans la multitude.

La ville où prendre ta retraite ? J’ai découvert Lisbonne récemment. C’est une ville encore super authentique avec un charme fou. Notamment le quartier Alfama où je suis resté. C’est le plus vieux quartier de Lisbonne. Après le tremblement de terre de 1755, c’est le seul qui ait été épargné.

Le tramway jaune dans le quartier de l’Alfama, Lisbonne © Globe Reporters

La ville où marcher la nuit ? Paris la nuit. Inimitable.

La ville où tomber amoureux ou rencontrer quelqu’un au coin de la rue ? Une ville que j’aurais pas encore visité bizarrement. C’est marrant de faire découvrir un lieu à quelqu’un mais découvrir une ville qu’on connaît pas à deux c’est encore mieux. Ça arrive régulièrement d’ailleurs je pense que deux inconnus se rencontrent à l’autre bout du monde, dans une ville où ils arrivent pour la première fois.

Une musique sur la ville ? Nas, One Love : un morceau que je peux écouter en boucle en me baladant la nuit. Ça parle pas de la ville mais ça m’aide à voyager dans la ville.

Un film sur la ville ? La Haine : je pense qu’on s’est tous identifié à ces banlieusards qui découvraient Paris la nuit parce qu’ils avaient raté le dernier train. De un, c’est ce qu’on a vécu et de deux, ça marque aussi la fracture qui peut exister entre des univers qui sont proches mais qui ont des codes bien différents. Ça n’empêche pas qu’ils puissent se comprendre cependant.

Une peinture de la ville ? On n’a pas forcément besoin d’une toile ou d’un support pour exprimer des choses. Ce que je trouve fort c’est notamment ce que Basquiat a fait quand il était à New York ou ce que font des gars comme TPK : cette idée de s’approprier la ville, d’écrire sur les murs, de les colorier, pour moi c’est le meilleur moyen de s’y sentir à l’aise et de laisser une trace. C’est un symbole fort. 

Ta ville rêvée pour jouer un concert ? Paris, pendant une block party à Stalingrad.

Ton endroit rêvé pour assister à un concert ? Un concert du Wu-Tang à Staten Island ou de Mobb Deep dans le Queens. J’ai jamais été à New York mais j’ai ma propre vision de cette ville, celle qui a notamment été forgée par les clips.

Le projet solo de Templar sorti le 30 juin dernier !

Ta balade urbaine préférée ? Les quais de Seine peut-être mais j’ai beaucoup d’itinéraires différents.

Si tu devais améliorer quelque chose dans la ville dans laquelle tu vis, ça serait quoi ? Plus d’espaces verts.

Si tu devais remplacer un monument d’une ville par quelque chose ce serait lequel ? Par quoi ? Je repeuplerais le Panthéon en y faisant entrer des personnes comme Frantz Fanon et davantage de femmes. Ça permettrait peut-être de faciliter l’identification, l’universalisation, etc.

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la ville ? C’est déjà assez exhaustif comme questionnaire je crois ! Après pourquoi pas les pires villes que j’ai traversé pour contrebalancer. J’ai trop déclaré mon amour à Paris là !


Propos recueillis par Fiona Forte 

On vous parle de Templar dans notre série sur Dégaine ton style, le concours de clash organisé aux Ulis au début des années 2000.

Lis les derniers « Paye ta Ville »  avec Emeric Fohlen et  D’de Kabal

 

Fiona Forte

Originaire de l’Essonne, Fiona construit sa réflexion autour de la ville à travers des projets visuels et éditoriaux pensés pour donner la parole aux habitants. Après des études de lettres et de sciences politiques, elle se tourne vers le journalisme et l’organisation de manifestations culturelles, en se spécialisant dans les enjeux urbains. En parallèle, sa pratique photographique s’enrichit au contact des pays qu’elle parcourt, notamment ceux du continent américain, et de reportages en région parisienne. Elle se consacre actuellement à l’écriture d’un documentaire vidéo sur le carnaval de rue brésilien et à la réalisation d’une série photographique sur les liens entre masculinité, féminité et séduction.

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Fiona Forte

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