L’interview « Paye ta Ville » avec Adam Naas

Adam Naas vous propose un « Paye ta Ville » lunaire ce vendredi ! Après la sortie de son premier EP éponyme en 2016, il sort cette année son single Please Come Back To Me et entame une tournée en France et à l’étranger.  Pour découvrir et redécouvrir son univers chimérique, rendez-vous le 4 août prochain au MUCEM à Marseille, et si vous prenez le large, le 12 août au Ypsigrock Festival en Sicile.

T’habites où ? J’habite chez ma mère à Nation, mais je ne sais pas vraiment si j’ai l’impression d’y habiter ou pas. Je vais habiter à Boucicaut en septembre, dans le 15ème, je sais pas vraiment si c’est Paris ou la campagne.

T’y es depuis combien de temps ? J’y suis depuis toujours, je n’ai jamais cessé d’y être.

T’es né dans quelle ville ? Paris 18ème, je suis né dans un hôpital qui s’appelle l’hôpital Bichat. Il a été détruit à ce que j’ai cru comprendre. Je ne sais même plus vraiment où je suis né, c’est triste.

Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? La première fois que j’ai eu conscience d’être à Paname c’était en seconde, parce qu’avant je ne bougeais jamais vraiment de mon quartier. J’avais une amie qui habitait à Saint-Paul. Un jour, elle m’emmène sur les quais parce qu’elle voulait me pécho… On a passé toute la soirée à parler jusqu’à trois heures du matin sur les quais de l’Ile Saint-Louis. Là je me suis dis c’est ouf je suis à Paname. Comment être encore plus romantique que la ville la plus romantique du monde ? Toute anecdote de Parisien devrait être une anecdote romantique.

Les Quais de l’île Saint-Louis

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Ouais et j’en suis très content, c’est censé être vivant une ville, t’imagines si tu passes toute ta vie dans un même quartier qui n’évolue plus, t’as l’impression d’avoir fait le tour de ta ville. C’est triste. Paris, la ville vivante comme on l’appelle !

Où est-ce que tu vas pour te poser ? J’aime bien les endroits un peu étroits et cloisonnés, je ne sais pas pourquoi, je m’y sens bien. Une fois, j’avais l’impression d’avoir trouvé un endroit qui me faisait plaisir parce qu’il y avait plein de cerisiers. Avec le vent, c’était ouf, j’avais l’impression d’être dans un clip de Bon Iver ! Genre : « ohlala la brise contre ma peau ».

J’ai l’impression qu’en fait les appartements de mes potes sont devenus mes points d’ancrage dans la ville. Je sais que quand je passe devant chez eux je peux monter : c’est ma petite ville secrète.

Une expression de ta ville que tu aimes bien ? Euh… le premier truc auquel je pense quand tu me dis ça c’est « le prochain métro arrivera dans une minute, le suivant dans six minutes » – un truc qui me fait toujours sourire aussi c’est « je vais vous prendre un allongé svp, avec un verre d’eau » :  je trouve que c’est vraiment très parisien.

La ville où t’aimerais habiter ? J’ai toujours été amoureux de Londres. Je sais que plein de gens détestent, mais moi je m’y sens bien. Le métro de Londres par exemple, personne ne l’aime mais moi je l’adore : il est à ma taille (rires). Et la langue aussi, je sais pas, j’ai l’impression d’être à la maison quand j’y suis. Peut-être que j’y ai vécu dans une vie antérieure…

Des bruits de la ville qui t’ont influencés dans tes productions ? Clairement aucun –  Vivre en ville a des aspects incroyables mais concernant ma musique ça ne m’a jamais rien apporté. C’est plus les gens qui m’intéressent que les bruits.

Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Je pense qu’elle porterait un nom super relou, comme le volcan en Islande où il faut maitriser le nom pour rentrer dans la ville. Il n’y aurait pas beaucoup d’humains mais beaucoup d’animaux et il y aurait des elfes aussi. Tout le monde serait hyper sympa et il n’y aurait pas de questions bêtes. T’aurais un grand arbre au milieu et il y aurait des voitures volantes, comme dans le 5ème élément, où on se dit« wouah ça c’est une ville ».

Les villes, telles qu’elles sont maintenant, on n’a pas l’impression qu’elles soient achevées. Ce que je veux dire, c’est qu’on n’est pas encore arrivé à la ville de Luc Besson. Je pense aussi que dans cette ville, à sept ans tu dois passer un an à t’occuper de l’arbre pour être en phase avec la nature, et après c’est l’arbre qui t’autorise à rester et qui te protège. Il y a un dôme supernaturel qui te protège et qui empêche les gens méchants et malsains d’y rentrer. Le pouvoir exécutif est aux mains des enfants parce que quand t’es un enfant t’es sûr de tes décisions.

Ta ville cauchemar ? Une ville que je pourrais façonner entièrement moi-même, parce que d’une manière ou d’une autre j’essayerais de prendre le pouvoir, de m’arranger ou d’arranger mes proches. Quelqu’un qui prend les clefs d’une ville doit penser avant tout aux autres et pas à lui.

Ce qui t’apaise en ville ? L’eau, qu’une ville soit traversée par un fleuve – c’est hyper sérieux comme réponse, j’adore ! (rires)

Ce qui t’énerve en ville ? Les bruits métalliques. La ville, t’as un peu l’impression que c’est l’allégorie d’un monstre autosuffisant, nourri par des gens qui s’en rendent même pas compte. Un matin, je me suis réveillé à six heures. Ça faisait depuis mes premières années de fac que ça ne m’était pas arrivé. J’étais dans le métro à sept heures : à cette heure-là tu sais que les gens qui sont là, se lèvent, participent au bien commun et puis rentrent chez eux. En vrai, ils ont quoi ? Deux-trois heures dans leur journée pour penser à eux et à ce qu’ils sont dans tous ça. Du coup la ville est alimentée de gens qui pensent qu’ils pensent mais qui ne pensent pas.

Les sons métalliques ça te donne encore plus conscience que c’est un monstre. Ça te donne conscience que c’est pas organique, que c’est un peu comme Internet : y’a des trucs qui arrivent et t’as rien demandé. Ça peut être un peu oppressant, on t’oblige à capter des signaux que t’as pas envie de calculer.

Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Bah du coup, j’en ai tourné un sur un toit. Mais sinon,  je suis vraiment un amoureux de Paris même si j’aime bien la critiquer, donc ce serait pas mal un peu n’importe où à Paris.

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Les éclairs au chocolat ! Je marche de ouf dans Paname et je m’arrête dans la rue pour manger des éclairs au chocolat. Le meilleur, c’est celui de Romainville. Ah les Gâteaux de la Romainville ! Ils ont un gâteau qui s’appelle le suprême avec une touche de rhum et c’est délicieux.

Et dans une ville étrangère ? Voir la gueule du métro s’il y en a un. En règle générale, j’adore explorer les moyens de locomotion d’une ville. Y’a aussi toujours la bouffe, genre un truc typique du coin. J’aime bien me promener et le manger en même temps. Tu te sens appartenir à la culture le temps d’un cannoli… (rires)

Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? Déjà les gens avec qui je suis – si je ne regarde pas la personne en face de moi, c’est que le date commence mal (rires). Y’a un truc un peu vicieux que je fais aussi parfois : regarder le reflet des gens qui passent dans la vitrine, pour voir s’il y a eye contact.

Plutôt multitude ou solitude ville ? C’est ni l’un ni l’autre, un peu l’un, un peu l’autre… C’est ça qui est bien dans la ville aussi : tu peux être à la fois très entouré et très seul. Ça a une certaine beauté… presque gothique.

La ville où prendre sa retraite ? C’est triste de prendre sa retraite dans une ville, non ? J’aimerais prendre ma retraite dans une baraque en haut d’une colline verte, comme celle de Xenophilius Lovegood. J’aurais ma bibliothèque, mon chien, mon chat et toutes sortes de thés différents.

Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? Paris, tu fais des rencontres très intéressantes le soir, un peu moins quand t’es un garçon, mais on vient quand même t’aborder, j’adore ça. Mon côté romantique voudrait dire vers Abbesses, mais en vrai j’y ai juste marché la nuit pour trouver un ATM, donc pas vraiment passionnant. Dans les petites rues quoi…

Une musique sur la ville ? Les Smiths, ça marche de ouf quand tu te balades en ville! Il y a une chanson qu’Adèle a écrit quand elle avait 17 ans pour raconter son amour pour Londres. Elle s’appelle Hometown Glory. Je trouve qu’elle a une jolie façon d’y exprimer son amour pour sa ville.

Un film sur la ville ? Metropolis, c’est difficile de penser à un autre film concernant la ville… Sinon, il y a Oui-Oui le film aussi, incroyable sur la ville, des vrais messages à la fin de ce film – l’amour, l’entre-aide, l’engagement, etc.

Un livre sur la ville ? The Catcher in the Rye (L’Attrape-coeurs) avec comme héros le petit Holden Caulfield perdu dans New-York. Dans la même veine, il y a Less Than Zero (Moins que zéro) de Brett Easton Ellis. C’est vraiment un sujet que je trouve passionnant et qu’on retrouve aussi dans les films de Gregg Araki. Ça traite des jeunes perdus dans la ville, aussi bien géographiquement que psychologiquement et émotionnellement. Ca montre à quel point la ville peut te perdre malgré tous les panneaux qui peut y avoir dedans. À quel point aussi, un poteau ou un lampadaire peut te faire penser à une chanson de Nick Cave.

Ta ville rêvée pour jouer un concert ? Bah j’aimerais bien jouer à Paris. L’Atlantide ça serait bien aussi.

Ton endroit dans le monde préféré pour voir un live de musique ? J’ai chanté à un festival. J’ai trouvé ça ouf de chanter devant de l’herbe devant une multitude de gens, aussi bien assis que debouts. Ou alors dans une putain de vallée… une immense vallée de licornes. Ça serait pas mal.

La ville que tu préfères pour acheter des records ? Si j’avais été une personne stylée j’aurais dit Amoeba. J’y suis allé quand j’étais à Los Angeles. Tout le monde en a acheté mais pas moi, je préfère m’en faire offrir.

Si tu devais remplacer le Moulin Rouge par quelque chose ce serait quoi ? J’aimerais en faire une miniature pour chez moi et le remplacer par un Sex Shop qui s’appellerait le Moulin Noir.

Le Moulin Rouge, futur Moulin Noir

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la ville ? Le meilleur endroit pour faire l’amour dans une ville.


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Lina Fahsi

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Lina Fahsi

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