Une mystérieuse installation volante s’était installée l’année dernière à la Cité des Sciences. La série « Villes éphémères » vous plonge dans cet univers fantastique.
« Villes éphémères » est une série qui s’ouvre et se referme sur des apparitions et des disparitions. Elle témoigne de passages ou de rencontres dont seul l’écrit laisse une trace : un bâtiment remplacé, une devanture effacée, une oeuvre d’art éphémère ou ne serait-ce que les pensées qui m’ont assailli lors de mon passage dans une rue… Les villes ont leurs fantômes, nous vous les faisons découvrir.
Sortie de la bouche d’un métro, guidée par des gouttes de pluie qui peinent à refroidir le four ambiant de ce début juillet, je suis attirée par une machine extraordinaire.
Une tarentule à quatre pattes en acier me fait face sur le parc de la Villette, à Paris. Avec ses cinq ballons en guise d’antennes et des centaines de plantes pour parure, elle est majestueuse.
Instantanément, je suis plongée 20 000 lieues sous les mers.
Un drôle d’équipage
Autour de l’engin, des bonhommes en combinaison beige s’affairent.
Certains accueillent le public, tandis que d’autres actionnent d’improbables machines – comme cette berceuse à plantes – ou révisent le « vaisseau ». Ces scientifiques, que l’on pourrait prendre pour des savants fous, forment l’équipage de l’expédition végétale.
Il a plusieurs mois maintenant, à Madagascar, quinze membres d’équipage ont embarqué sur l’Aéroflorale II. Cette machine vole grâce à l’énergie dégagée par plus de 2 000 plantes stockées à bord, et un gaz découvert par l’équipe – le pentane – obtenu grâce au compost.
Dans les airs, l’équipage se nourrit de légumes crus ou de produits conditionnés, et dort dans des hamacs suspendus au squelette de la bête.
11 000 kilomètres. Près de six mois sans escale. A la vitesse d’une mobylette. Jusqu’à 4 000 mètres d’altitude. Elle vole.
Au gré de leur voyage, les scientifiques observent l’évolution de leurs plantes dans ces conditions hors norme. A terre, ils dénichent et étudient de nouvelles espèces, sous l’œil avisé du commandant caché par ses lunettes d’aviateur.
« L’idée, c’était surtout d’aller sur le terrain et de faire des expériences. C’est sûr qu’on nous a pris pour des fous au début. Mais maintenant, on nous prend au sérieux et on s’accapare même le résultat de nos analyses ! » me confie un scientifique, évoquant une de leurs études, récemment reprise dans la presse, sur une plante carnivore férue du frelon asiatique.
Sur une machine vivante
Absurde ou sensé, folie ou raison ; les frontières se confondent. D’autant plus que l’équipage se plaît à jouer de cette ambigüité…
Un pétard. Une sirène. De la fumée. De l’agitation. Catastrophe ! Un des ballons se dégonfle. Vite ! Une chaine se forme. On se passe des sacs. Tout l’équipage s’affaire pour le remplir d’oxygène. Il ne faudrait pas que le décollage prévu demain matin soit compromis…
Le lendemain matin, c’est décidé, je serai présente pour agiter un mouchoir blanc devant le nez de la serre volante qui décollera en direction de Reykjavik, en Islande.
(…)
Le lendemain matin, armée de mon appareil photo, je suis prête à en prendre pleins les yeux ; déterminée à participer à ce moment d’histoire.
Arrivée au parc de la Villette, je découvre la place vide. La machine n’est plus là. Des plantes dispersées au sol sont les seuls vestiges de ce rêve éveillé…
Parfois, il suffit d’y croire…
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Mark Twain
Texte & photos : Clarisse Freyssinet
Illustration : Nathalie Dziedzic
Article d’origine publié sur La Fille Vous Raconte