L’interview « Paye ta Ville » avec L’Impératrice

L’Impératrice revient aujourd’hui en ville avec son nouvel EP Séquences sorti sur lemicroqlima, une parenthèse disco et scintillante en attendant le prochain album. Le clip Sultans des îles, sorti le 7 juin, est une plongée mystérieuse et kitsch dans un bordel parisien. Dans cette première interview « Paye ta Ville », on découvre l’univers citadin du groupe avec des questions 100% urbaines.  

T’habites dans quelle ville ? À Paris, Pigalle (18ème).

T’y es depuis combien de temps ? Depuis toujours : je suis né à Paris et j’ai toujours vécu entre le 18ème et le 9ème. Un vrai parisien du Nord !

Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? Quand je traversais tout Paris à l’arrière du vélo de ma mère. En fait je détestais ça : j’aurais préféré marcher.

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Oui, ça a beaucoup changé. Paris s’est à la fois enrichi culturellement et embourgeoisé. D’un côté, c’est génial de voir qu’après les années 90, période où les clubs et la techno s’étaient constitués en culture dominante, on arrive aujourd’hui à avoir un accès à la culture à la fois plus pluraliste et étendu. Y’en a pour tous les styles, tous les goûts ! De nombreux arrondissements populaires deviennent peu à peu mixtes, ce qui apporte une harmonie et un vivre ensemble qui n’existait pas avant ou bien restait concentré sur la rive gauche. En même temps ça participe évidemment à une gentrification de ces quartiers.

Où est-ce que tu vas pour te poser ? Dans le 19ème vers Ourcq, le long du canal. C’est un endroit vivant et en même temps pas commun, où on peut jouer à la pétanque, aller au cinéma, buller au bord de l’eau ou même louer un bateau pour aller à Bobigny avec les potes… Y’a aussi le jardin Albert Kahn (Boulogne) dans le style japonais ou les Buttes Chaumont.  

Le jardin Albert Kahn à Boulogne-Billancourt

Une expression de ta ville que tu aimes bien ? À Paris, les gens ont tendance à parler au superlatif et dire devant tout : « grave machin », « super quelque chose », etc. Un peu l’équivalent du gavé bordelais. Ça peut être agaçant pour certaines personnes mais moi ça me permet de prendre du recul et de voir les choses de manière positive.

La ville où t’aimerais habiter ? J’aurais du mal à bouger de Paris, j’y ai toutes mes attaches, mes projets… Après y’a Berlin que j’aime beaucoup pour la manière dont les Berlinois vivent : avec calme, en prenant le temps… Y’a une véritable solidarité entre les personnes et beaucoup de respect. Je me souviens que la fois où les flics avaient viré des dealers du parc Görlitzer, y’avait eu des manifs de civils pour leur dire de revenir.

Des bruits de la ville qui t’ont influencé dans tes productions ? Le bruit de la pluie le soir ou le matin. Je trouve que c’est une atmosphère très inspirante qui peut te rendre très nerveux ou te conforter à rester chez toi sous ta couette. Je préfère le bruit de la pluie quand t’es chez toi plutôt que le bruit des bagnoles.

Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Je pense qu’elle s’appellerait « Tranquillité » et donc par conséquent elle serait très tranquille, pleine d’espaces verts et de gens très sympathiques et ouverts. Y’aurait peu de constructions mais sans qu’on se sente trop à la campagne non plus.

©Pierre-Emmanuel Testard

Ta ville cauchemar ? Londres. Pour moi c’est une ville méchante, mal foutue, très étriquée. Une sorte de ville en tas avec au milieu un bordel ambiant où tout invite à consommer de manière encore plus violente qu’à New York.

Ce qui t’apaise en ville ? Un coucher de soleil sur la Seine ou au bord des quais. En gros un point d’eau et un coucher de soleil. Pour moi c’est aussi apaisant à Paris au mois d’août que sur une plage de Corse : il y a cette même odeur particulière et ce calme.

Ce qui t’énerve en ville ? Les transports en commun. Classique de dire ça mais c’est vraiment la jungle. Les gens en ont rien à foutre et se comporte de manière très égoïste, c’est infernal.  

Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Des lieux qu’on ne connaît pas encore et que j’aimerais découvrir en premier. On a parfois l’impression que la ville se résume à ses rues et à ses immeubles mais à Paris il y a beaucoup d’endroits insoupçonnés, notamment de sublimes cours d’immeubles…

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Ne jamais prendre le métro et tout faire à pied.

Et dans une ville étrangère ? D’aller trouver un endroit où on fait du bon café.

Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? Les personnes âgées et les femmes enceintes. Les deux m’inspirent beaucoup d’empathie et de respect.

Plutôt multitude ou solitude ville ? Ça dépend des jours. Peut-être plus solitude.

La ville où prendre sa retraite ? Un petit village en province dans le Sud ou alors Split en Croatie. Ça fait des mois que j’essaye d’y aller mais j’ai jamais le temps. J’y arriverais peut-être à l’âge de la retraite.

Split en Croatie

Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? La nuit à Paris y’a que des mecs bourrés. Du coup, je dirais en Inde, à Bombay ou Pondichéry. Il fait toujours chaud, l’ambiance est tropicale, suffocante mais le contraste avec le jour est saisissant : on passe de la foule et de l’euphorie de la journée à l’inverse complet. C’est un peu la même chose entre marcher de jour et de nuit dans le désert.

Une musique sur la Ville ? Les Princes de la Ville de Michel Berger.

Les Princes de la Ville c’est une des inspirations de votre dernier clip Sultans des îles ?Oui ! L’idée avec ce clip c’était de réagir à cette manie cloisonnante de mettre toute la nouvelle scène française dans la case variétés. On a du coup voulu faire un morceau variet qui en condense tous les clichés, notamment le fantasme de la femme à la merci de l’homme ou au centre de ses pensées. Pour poursuivre cette idée, le clip se passe dans un bordel de Pigalle imaginaire nommé le Sultan des îles. C’est un nom qu’on pourrait typiquement voir au-dessus d’un bar à strip-tease ou même d’un kebab de là-bas : un nom qui fait exotique et suggère le voyage.  

Un film sur la ville ? C’est trop difficile d’en citer qu’un seul du coup je dirais : Hiroshima mon amour (Alain Resnais), Manhattan de Woody Allen, Lost in Translation (Sofia Coppola) ou Enter the Void de Gaspard Noé.

Ta ville rêvée pour jouer un concert ? New York. Au Bowery Ballroom. C’est une ville dans laquelle j’ai passé un peu de temps après mes études. Y’a une énergie folle là-bas et je pense que L’Impératrice pourrait s’y faire une place et y rencontrer un public.

Ton endroit dans le monde préféré pour voir un live de musique ? Mon plus beau souvenir de concert c’était à LA, à Coachella. J’avais vu tous les groupes que j’admire le plus : Jay Z, Gorillaz, LCD Soundsystem, Hot Chip,… C’était incroyable de voir tous ces concerts dans un cadre paradisiaque que cet oasis de palmiers. Sinon à Sète au Théâtre de la Mer. J’ai jamais rien vu d’aussi beau : Une vieille arène un peu romaine. La scène se jette littéralement dans la mer.

La ville que tu préfères pour acheter des records ? Berlin. Le disquaire OYE Record qui propose une sélection disco, club et groove. J’y ai acheté le premier album de Metro Area ou encore le morceau Vous dansez de KZA.

Si tu devais remplacer L’arc de Triomphe par quelque chose ce serait quoi ? Une énorme scène de concert ou un stade de foot.

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la Ville ? Pourquoi est-ce que tu penses qu’au milieu des immeubles haussmanniens magnifiques de Paris on a donné la liberté aux architectes des années 70 de pondre leur merde au milieu de tout ça et de pourrir leurs paysages ?

Fiona Forte

Originaire de l’Essonne, Fiona construit sa réflexion autour de la ville à travers des projets visuels et éditoriaux pensés pour donner la parole aux habitants. Après des études de lettres et de sciences politiques, elle se tourne vers le journalisme et l’organisation de manifestations culturelles, en se spécialisant dans les enjeux urbains. En parallèle, sa pratique photographique s’enrichit au contact des pays qu’elle parcourt, notamment ceux du continent américain, et de reportages en région parisienne. Elle se consacre actuellement à l’écriture d’un documentaire vidéo sur le carnaval de rue brésilien et à la réalisation d’une série photographique sur les liens entre masculinité, féminité et séduction.

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Fiona Forte

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