Flow rentre-dedans, des punchlines de King Kong, Davodka est doté d’une carrure imposante. Sauvage mais tout de même approchable, le bonhomme a grandi dans la jungle urbaine du 18e. « Entre La Fourche et Porte de Saint Ouen », tient-il à préciser. Instinct territorial. Les très riches et très pauvres se concentrent dans cette partie de la capitale. La misère est omniprésente, forcément ça inspire.
Imaginez un musicien qui chante comme un rossignol et qui se promène avec la même légèreté que l’oiseau. Le bestiaire musical, c’est ça : la tentative d’associer une figure animale qui corresponde physiquement et musicalement au chanteur.
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Rue, bar et valet de pic
Des conneries ? Il en a faites à foison. Mais quand il s’agit de les raconter, le singe aux larges épaules avoue ne pas avoir une mémoire d’éléphant. Il oublie vite. Quelques anecdotes restent cependant comme cette soirée passée avec une SDF au bar du Vizir. Une sans-abri traînait ici depuis plus de dix ans. Davodka et ses compères lui ont parlé plusieurs heures. Les gros doigts du gorille tapotent sur la table. « Elle nous a fait comprendre à quel point vivre dans la rue peut mener à se renfermer sur soi et à devenir une coquille .» Mais toutes les histoires ne sont pas sombres, des moments agréables ponctuent aussi son quotidien. Un des plus mémorables reste sa rencontre avec Rockin Squat. « Je vendais mon CD dans la rue, j’avais mis un post Facebook. Il est venu en acheter quatre. » Cet épisode lui a donné envie de persévérer, content de voir que des « anciens » lui tendaient la main. Aujourd’hui, le gorille est conscient que sa musique prend de l’ampleur mais il ne se sent pas le premier. Il n’est ni l’as, ni le roi. Son côté sombre le rapproche plus du valet de pic. Et s’il devait choisir une carte à jouer ça serait celle du cœur. « C’est pas pour l’aspect romantique mais parce que je rappe avec le cœur. »
« Quand je bois de la vodka, il manque toujours un goût de whisky. »
Boire en écrivant, voilà un des péchés-mignons du gorille parisien. Mais entendons nous, pas de jus de coco. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, « Quand je bois de la vodka, il manque toujours un goût de whisky. » Pour lui, écrire est un soulagement, cela permet de faire ressortir les idées du jour. Ses influences vont d’Assassin à la Scred Connexion en passant par la musique classique. Aujourd’hui, il se pose sur l’instrumental avec la même agilité que gorille qui se déplace de lianes en lianes. Il fait partie des rappeurs français les plus rapides et ne peut s’empêcher de rigoler quand il repense au Youtubeur qui le compare à Eminem. « Je lui offrirai une palme pour avoir compté les mots ! ». Rapide mais également efficace, Davodka a le sens aiguisé de la punchline. C’est une vieille habitude héritée des clashs entre potes. Le mot juste pour décrire la réalité, c’est un peu sa quête du Graal. Mais attention ! Il n’utilise pas la punchline pour l’égotrip, il la préfère quand elle pointe un trait du contexte réel.
« J’étudiais peu mais je retenais bien. »
Les murs de Paris Nord voient des graffitis germer sur les murs. Un arrondissement fertile en art urbain. Ce qui est fertile chez Davodka, c’est son esprit. L’imagination pousse dans sa tête et nourrit ses textes. Il n’a pas appris à cultiver son imaginaire à l’école. « J’écris plus que je ne lis », affirme le gorille d’un ton indépendant avant de poursuivre : « j’étudiais peu mais je retenais bien. ». Aujourd’hui le modèle de l’école lui parle assez peu. « On se marche dessus pour réussir. » Son apprentissage, il l’a surtout fait dans la rue où il a appris le sens des relations humaines et la définition de la débrouillardise. S’il ne lit pas beaucoup, il regarde cependant des films à foison. Les dialogues d’Audiard, le jeu d’acteur de Gabin, Lino ou Ventura sont ses références fétiches. Certaines répliques lui donnent une direction ou un thème pour une chanson. Son film culte ? Un singe en hiver. Dans le projet qu’il a sorti, La Mise au Poing, il a glissé quelques extraits de films. Il s’est aussi amusé sur le visuel de la pochette puisque l’on y voit un poing cassant l’objectif d’un appareil photo. « Les médias filment, moi j’arrive pour mettre la claque et casser les clichés ». Même dans ce qu’il a de plus imposant, une once d’humour vient alléger les discussions. Davodka a autant d’humour qu’un singe.
Il marche avec une tribu indépendante
Le gorille rappe en solo mais cela ne l’a pas empêché d’avoir des crews. L’esprit tribu, il connaît. C’est même comme ça qu’il a commencé avec Paris Pôle Nord en 2003. S’il chante aujourd’hui seul, il n’exclue pas les featurings, loin de là. Ses collaborations avec Lacraps, MC de Montpellier, ont généré près de 500 000 vues sur YouTube.
Si le gorille aime quand le flow cogne sec, il n’est pas connu pour être un fervent défenseur de la Trap. Il s’est pourtant essayé à ce style dans Flow Brasier avec le rappeur montpelliérain. Deux Mc’s qui s’attachent au réel et qui rejettent l’aspect « bling bling ». Si Davodka n’apprécie pas vraiment le vocoder, trop robotisé selon lui, il ne déteste pas le BPM trap qui lui permet de diversifier son flow. Dans « Flow Brasier », l’instru est Trap de A à Z. « On a tourné le clip avec Lacraps pendant le Demi-Festival », lâche le singe, cigarette entre les dents. De nature indépendante, Davodka a monté son propre label : Le Vers 2 Trop. Il vend ses disques sur son site internet ou de main en main. Le moins d’intermédiaires possible. « Je ne veux pas des plateformes en ligne qui te pompent plus de 60 % des revenus. »
Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace.
Texte et photo : Bastien Mirandel