Beats Across Borders, c’est la soirée semestrielle qu’organise l’association SciencesPo Refugee Help. Pour la 4ème édition, Heartbeats, l’ambiance était chaleureuse et le pari de réunir public parisien et réfugiés à l’Alimentation Générale avait été tenu avec brio. Mohamed Lamouri au clavier et au chant a su émouvoir le public tandis que les cuivres, guitares, clavier et percussions d’Afreeboat ont fait danser toute la salle après la performance des rappeurs Hermano Polo et Xandër Skandaal Scand’s. Côté DJ sets, le duo Psychotropiques a mis du soleil sur tous les visages avec ses beats brésiliens et afros tandis que Karamel en B2B avec Skywalker, « la première femme DJ palestinienne », a clôturé en beauté la soirée.
Avant le début de cette BAB#4, on a rencontré une partie de l’équipe pour en savoir plus sur cette belle initiative et le quotidien de l’association qui compte déjà plus de 200 bénévoles après à peine 2 ans d’expérience ! Leur mission : « contribuer à l’amélioration des conditions de vie des réfugiés en se concentrant, sans se limiter, sur la ville de Paris. (…) L’aide apportée sera à la fois matérielle et immatérielle, dont de la traduction, ainsi qu’une aide administrative au cours de la demande d’asile et un soutien moral aux réfugiés. »
Tina Bouffet (22 ans, fondatrice et chargée de communication) : une des fondatrices sortait d’une soirée au Wanderlust vers lequel pas mal de tentes occupées par des migrants étaient installées à l’époque. Le lendemain elle a décidé de faire un post Facebook pour demander à son réseau si certains étaient dispos pour apporter leur aide. Beaucoup ont répondu présent mais on a été cinq à aller sur le terrain avec ce qu’on pouvait apporter, notamment des petites couvertures. C’est notre petit groupe qui a fondé SciencesPo Refugee Help.
Tina : En 2015 la photo d’Ailan, le petit garçon mort en Italie fait le buzz, le centre d’Anne Hidalgo n’est pas encore ouvert et il y a des camps importants à Austerlitz ou Gare de l’Est. On était encore plus qu’aujourd’hui dans une situation d’urgence : il y avait beaucoup de travail et une réelle envie du corps étudiant de s’investir auprès des migrants.
Clémence Tondut (23 ans, co-coordinatrice du pôle Besoins Matériels) : On est 200 bénévoles dans l’association qui se structure en 5 pôles : Administration, Besoins Matériels, Cours de Français, Activités Sociales et Aide au droit d’asile.
Tina : La première année on s’est concentré sur les besoins de matériel d’urgence et d’orientation juridique. On était aussi quelques uns à faire beaucoup de terrain ce qui a pu être épuisant aussi bien moralement (on fait pas seulement face à la misère mais aussi parfois à la mort comme à Stalingrad) que physiquement. Maintenant, il y a des roulements et on est 30-40 à faire le travail de maraude.
Comment pensez-vous renforcer votre engagement au cours des prochaines années ?
Tina : Aujourd’hui on souhaite s’inscrire dans du long terme car la situation ne va pas se régler du jour au lendemain. Il faut penser à l’intégration des migrants et aux questions juridiques. C’est pour cela qu’on aimerait commencer à faire des communiqués de presse (toujours en des termes apolitiques !) pour insister sur l’application stricte du droit français d’asile et demander son implantation dans les débats. Une de nos équipes a aussi réalisé un mapping de tous les petits campements sauvages et qui est régulièrement actualisé. On envisage d’en faire une app pour faciliter la venue en aide.
Clémence : On risque aussi un retour à une situation d’urgence suite à l’incendie qui a eu lieu à Dunkerque au camp Grande Sainte, un camp de 1500 personnes géré par l’État. Les ONG ont du mal à gérer la situation et une bonne partie du camp va venir se réfugier à Calais et Paris…
Clémence : Médecins Sans Frontières est la seule ONG présente sur Paris. Utopia 56 est une association qui travaille au centre de la Chapelle avec Emmaüs. On se coordonne avec eux pour les maraudes à l’extérieur et pour les dons. On essaye également de se coordonner avec les collectifs de soutien mais c’est parfois difficile car ce sont des initiatives mobiles dont la réalité est très changeante d’un jour à l’autre. Les interlocuteurs sont difficilement identifiables, c’est donc un travail d’adaptation constant et les gens s’épuisent rapidement sur le terrain.
Tina : Les besoins sont tellement changeants que même au sein de l’association il est difficile de bien communiquer en interne. On est une association étudiante sans personne à plein temps et avec des moyens limités : les défis sont permanents.
Marine Lerouge, 19 ans (chargée de partenariat pour le pôle Besoins Matériels) : Venir de Sciences Po, c’est parfois utile pour la recherche de partenariats, ça fait sérieux. On a aussi la chance d’être beaucoup d’internationaux ce qui est un plus pour traduire les demandes des migrants auprès des administrations. On fait d’ailleurs en sorte que les gens qui vont sur le terrain parlent plusieurs langues, au moins anglais et farsi. Les francophones occupent souvent des postes administratifs.
Clémence : Avec les collectifs c’est parfois différent : le côté apolitique surprend puisque que la lutte pour les migrants est vue comme politique. Nous ne pouvons pas être tout le temps sur le terrain et les associations qui ont des subventions publiques sont parfois vues d’un mauvais oeil car l’État ne fait pas ce qu’il faut au niveau des réfugiés actuellement. Après, pas de guerre d’assos, on sait qu’on est tous là pour la même chose et notre expertise juridique a donné une réelle légitimité à notre action.
« Pas de guerre d’assos, on sait qu’on est tous là pour la même chose. »
Marine : La majorité de l’aide se fait sous forme de don matériel : les deux tiers des collectes se font à Sciences Po, à Cité U ou encore chez Go Sport et Carrefour… On récupère par exemple des trousses de toilette. Au lancement Décathlon nous a aidé. On a aussi un partenariat avec la Croix Rouge et avec Accord Hôtel qui nous donnent notamment des gels douche entamés mais pas terminés, qui autrement finiraient à la poubelle.
« Des soirées comme celles-ci, ça montre que l’intégration est déjà possible (…) Ça permet aussi de changer les perceptions : ne plus voir les migrants comme des victimes mais comme des individus avec qui on peut passer du temps d’égal à égal. »
Tina : C’est une sorte de tradition : un moment de convivialité et de partage entre demandeurs d’asile, réfugiés et public parisien. Des soirées comme celles-ci, ça montre que l’intégration est déjà possible. D’ailleurs, on aimerait parvenir un jour à ne plus avoir à affronter des situations d’urgence mais à davantage se concentrer sur des événements d’intégration comme celui de ce soir. Ça permet aussi de renouveler nos campagnes de fonds mais le plus important c’est que ça permet de changer les perceptions : ne plus voir les migrants comme des victimes mais comme des individus avec qui on peut passer du temps d’égal à égal.
N’hésitez pas à soutenir le projet Solidarité en action de SciencesPo Refugee Help.
Rencontrée aux abords du quai de la ligne B « Saint Michel » en fond…
Laavanya, 18 ans habitante du Bourget vient d'obtenir son bac scientifique. Suite à la plateforme…
C’est samedi, il est presque 10 heures, et la pluie et le vent sont au…
Portrait de Noureddine 56 ans, responsable du service jeunesse de la ville du Bourget. Plus…
Après avoir vécu neuf ans au Bourget, Magali, 37 ans, a choisi de déménager dans l’Oise…
Karim, 34 ans, est le gérant de l’Entracte, un restaurant bar qu’il a ouvert en…