Interview | Audrey Chenu – « Le genre est une putain de prison »

Audrey Chenu est auteure, enseignante, boxeuse, slammeuse, militante, comédienne et bientôt musicienne. Normande d’origine, installée à Saint-Denis, elle lutte de tout son être contre les formes d’enfermement mental que la société nous impose. Infatigable et créative, elle a baptisé son combat « Girlfight », comme ce film de 2002 avec Michelle Rodriguez, un des rares films sur une boxeuse qui se finit bien. Girlfight aussi comme son livre autobiographique, à mi-chemin entre militantisme et témoignage sur le monde carcéral des femmes. Girlfight enfin comme son association de cours de boxe et d’autodéfense destiné aux femmes et aux enfants.

Audrey Chenu tiendra un cours de boxe samedi 1er avril à la Maison des Jeunes de Saint-Denis dans le cadre du festival Noise la ville. On a souhaité la rencontrer et lui parler, en s’éloignant un peu de sa biographie pour découvrir plus en profondeur ses combats et apprendre de son expérience.

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à écrire à 31 ans une autobiographie ?

En 2012, j’étais sortie depuis 10 ans de prison, j’en étais à l’heure de bilan. J’avais beaucoup écrit là-bas et j’avais gardé toutes mes archives que je voulais publier. Il se trouve que depuis peu j’étais en contact avec une journaliste qui essayait de trouver un financement pour raconter ma vie dans un docu pour la télé. Au moment où c’est tombé à l’eau, je lui ai confié que moi ce que j’aimerais c’est écrire un livre. Elle m’a répondu « ah mais ça c’est facile, bouge pas j’ai un ami éditeur on va organiser ça ». On a retravaillé ensemble mes archives et on a publié avec nos deux noms.

Ça a un peu fait le buzz à l’époque, on a fait plusieurs radios et télés dont le journal de France 2. Je suis militante donc après j’ai continué à aller à la rencontre des gens dans toute la France pour leur raconter mon parcours. Une moitié du livre porte sur le monde carcéral et une autre sur le militantisme. Ça me tenait à cœur de témoigner, parce que quand j’étais là-bas je cherchais des témoignages de femmes en prison. Il n’y en avait pas. Le dernier en date remontait aux années 30 et avait été écrit par Albertine Sarrazin. Et depuis c’est cool, il y a eu trois ou quatre autres romans qui sont sortis là dessus. On dirait que la parole se libère un peu.

 

Tu penses que c’était un tabou ?

Evidemment ! Il y avait des témoignages sur les mecs, mais nous on représente 5%. Mes potes quand ils sortaient du placard ils avaient limite des médailles, c’était plutôt bien vu dans le quartier, et les meufs c’est la honte quoi. C’est la double peine parce que ça veut dire que t’as transgressé socialement et t’as transgressé pénalement. Surtout si t’es maman, ce qui était le cas de la plupart des femmes. Donc direct t’es une mauvaise mère, c’est une honte et quand tu sors t’as pas envie d’en parler. C’était très dur de trouver des meufs qui voulaient en parler avec moi, c’est une partie de leur vie qu’elles veulent effacer. Moi au contraire j’avais pas envie d’avoir honte. Au contraire, c’est une des expériences qui m’a fait avancer, même si bien sûr ça a été dur. J’ai failli y passer comme d’autres gens.

 

Dans une interview je t’ai entendue dire que la prison t’a rendue adulte.

C’est plutôt que c’est là-bas que je suis devenue adulte. J’y étais entre 18 et 20 ans, c’est l’âge où on se construit, c’est un contexte particulier. Je me suis retrouvée intérieurement et j’ai su ce que je voulais faire pour la suite. Avant ça j’étais dans la drogue, dans l’autodestruction parce que j’avais plein de trucs à exprimer et je ne savais pas comment. La boxe et le slam m’ont donné les moyens d’exprimer ce que je sentais. Sinon j’étais vénère toute l’année.

 

Tu t’es mise à la boxe en sortant de prison ?

Ouais même en taule je tapais sur les murs. C’est une technique là-bas, tu mets ton matelas sur le mur et tu boxes. Ça défoule. Quand je suis sortie je me suis inscrite à la fac, et j’ai trouvé des cours de boxe. C’était pas encore si important dans ma vie. Après je me suis blessée, j’ai arrêté quelques années. Comme j’habitais à  Aubervilliers j’ai vu dans le journal de la ville qu’il y avait plein de championnes du monde et de France dans le club Boxing Beats. Je suis allée voir un gala et j’ai eu un coup de foudre pour ce sport. Ça fait 7 ans maintenant que je fais de la boxe anglaise.

 

Et Girlfight ?

Au bout de 2-3 ans, comme tout ce que j’aime, j’ai eu envie de le partager. J’ai passé mon diplôme de boxe. Là en septembre j’ai monté l’association Girlfight avec une autre meuf pour essayer de promouvoir la boxe, l’autodéfense, l’autonomie… Les sports de combat pour les femmes en fait, parce que le truc c’est que dans les salles mixtes ya quelques femmes, mais l’accueil est compliqué.

Et ça marche assez bien parce que j’ai entraîné à Villetaneuse pendant 3 ou 4 ans, j’avais à peu près une vingtaine de femmes. A St-Denis j’en ai une quarantaine. Sauf qu’à St-Denis on ne te donne pas de salle, les associations galèrent toutes à trouver des locaux. Là du coup on est à l’Attiéké mais c’est un peu en stand-by parce qu’ils se font expulser. Ça va être long ce combat pour la place des femmes dans les sports de combat. En gros ils me disent « tout est complet ». Mais les mecs ils s’entraînent 5-6 fois par semaine, tu leur enlèves un créneau ça va pas les tuer. Parce que j’ai été parler avec des élus hein, ils étaient à fond pour le projet mais ils ont rien fait bouger. Là c’est l’hiver mais on s’est dit que quand il fera un peu plus beau on ira faire les entraînements devant la mairie, genre opération coup de poing… Pour les mettre face à leurs contradictions en fait, ils nous parlent d’égalité homme/femme et ils ne nous accordent pas 2 heures par semaine pour pratiquer un sport.

 

 

Alors justement comment tu fais cours ?

Moi je me concentre sur les femmes et les enfants, je fais aussi du scolaire une fois par semaine, c’est de l’accompagnement éducatif. Je commence à 6 ans, ça change pas mal de choses par rapport à la socialisation. Différencier en terme de genre : t’es une petite fille ou un petit garçon. Les filles au niveau du corps elles sont très peu encouragées à prendre des risques, à oser, à bouger même, à se salir… C’est un peu le contre-pied de cette éducation là que je veux offrir. Peu à peu, elles prennent conscience de leur force physique et mentale, de leurs qualités, mais aussi de leurs limites. Elles apprennent à savoir dire stop et à se défendre. Ya des moyens de défense assez concrets.

C’est du renforcement de confiance en soi et de la confrontation physique, ce qu’on a peu l’occasion de faire entre meufs et que les mecs font tout le temps finalement. Ils se bagarrent tout le temps et y sont presque encouragés ça il n’y a pas de soucis. Moi j’essaye de rétablir un peu l’équilibre par rapport à ça. Et puis le fait d’être toutes ensemble aussi, c’est de l’empowerment. Comme je suis aussi enseignante, je travaille beaucoup sur l’expression des émotions avec les enfants, sur le rapport au corps. Pour les garçons en dehors de la bagarre c’est pas gagné. Le genre c’est une putain de prison à mon avis. Le truc de ma vie c’est ça, c’est de lutter contre toute les formes d’enfermement. Que ce soit dans la tête, dans le corps ou derrière les barreaux.

 

 

Comment ils vivent ce moment ?

Ça leur fait trop du bien. Il y a une espèce de jubilation, en fait on prend du plaisir dans ce sport. Il est dur mais il y a beaucoup de jeu aussi et quand tu persévères tu trouves de la satisfaction, tu te sens plus fort dans ton corps et dans ta tête.

Parfois on me dit que ça fait plus pour le féminisme que n’importe quel discours. Je fais pas forcément de discours féministe pendant les cours de boxe mais j’essaye de faire attention à chacune, de les mettre à l’aise, qu’il y ait une bonne ambiance… C’est un espace temps particulier, elles viennent aussi pour l’ambiance. J’essaie aussi d’organiser des choses un peu conviviales comme des projections de films sur des boxeuses, faire des débats, on va surement faire une vidéo aussi pour montrer tout ce qu’elles ont appris. On va participer aussi à des tournois, parce qu’il y a d’autres collectifs comme nous en France, à Grenoble, à Lille, à Toulouse, même à côté d’ici à Montreuil. Le mois dernier on a fait un tournoi avec eux.

On essaie de sortir du truc des sports de combat habituels où souvent tu vois que des flics et des gens dans la sécurité. Nous c’est plutôt l’extrême gauche libertaire alors on a envie de montrer ce qu’on savait faire. Le tournoi était à prix libre et ça a ramené plein de gens, presque 300 personnes. L’idée c’est aussi que la boxe redevienne un truc populaire, il y a un siècle les gens se pressaient en masse pour aller voir les combats c’était un truc de fou. Maintenant même Canal + ne retransmet plus la boxe, il y a un truc qui s’est perdu. Alors on prend le contre-pied du capitalisme.

 

L’autodéfense et la formation physique c’est une étape importante dans la protestation politique ? Regarde les antifa des années 80, les Black Panthers ils suivaient un entraînement super strict…

Bien sûr c’est de l’autodéfense politique, face à l’état qui détient le monopole de la violence armée on est obligés de se défendre. Tu as vu le pasteur à Quimper à 80 ans il s’est fait tabassé par les CRS à une manif contre l’extrême droite. Moi je trouve pas ça normal d’aller en manif et de pouvoir me faire taper dessus. Je fais partie du service d’ordre de Sud-Education, on a décidé que c’était plus possible de se faire taper sur la gueule, on s’organise pour se protéger et protéger ceux qui sont dans notre cortège. C’est nécessaire, il y a trop de gens qui ont perdu des yeux, des vies…

Pour les femmes c’est pareil, l’autodéfense existe depuis les années 80 aussi, il y a plein de mouvements différents. Moi j’ai fait un peu d’autodéfense féministe alors j’essaye de lier ça un peu à la boxe. Tu sais la boxe c’est aussi un sport ou la souffrance et l’humiliation sont valorisées, ce que je n’encourage pas du tout. Avec moi quand t’as mal t’arrêtes et tu reprends quand tu as envie. C’est important. J’ai vu un garçon de 11 ans vomir, on lui disait “c’est bien, c’est le métier qui rentre”, ou encore “il est trop gros, faut qu’il perde”. C’est pas ça que j’aime dans le sport.

 

En fait tu as toujours été rebelle ?

Dès qu’on a commencé à me dire t’es une fille tu peux pas faire ça j’ai pas supporté. Ma révolte elle vient de là. Puis plein de choses, mon père a vécu une partie de sa vie en hôpital psychiatrique, ils en ont fait un zombie. Ça aussi je ne comprenais pas, le pouvoir des labos pharmaceutiques et tout. C’est pour ça que je suis libertaire, j’essaye de construire mes propres règles. Bon quand même je suis en interaction avec les gens hein, mais j’ai du mal avec les règles qu’on m’impose et qui n’ont pas de sens. Même la pédagogie que j’enseigne en primaire c’est de la pédagogie autogestionnaire : rendre les gamins autonomes et pas leur donner de leçons. Pour moi les valeurs les plus importantes c’est celles qu’on se forge soi-même.

 

Ca fait quoi de faire un TedX ?

C’était chelou ! Les gens ont payé 150 boules pour nous voir, c’était complet. Une salle dans le 16ème, une sorte de château pour moi, avec les sièges rouges en velours bien rembourrés… Il y avait plein de PDG et à la fin ils pleuraient tous ! Des gens sont venus me voir, ils voulaient me donner des sous. Mais bon ces trucs là c’était nouveau pour moi. Là je suis encore fonctionnaire j’essaye de voir comment gérer tous les projets en même temps. On verra le jour où j’ai besoin de monter un projet, j’ai encore les numéros.

 

Ces trois dernières années tu sors ton bouquin, tu passes sur France 2, tu fais ton TedX, le projet Macadames au théâtre, ça a décollé super vite non ?

Ouais la médiatisation du livre a beaucoup débloqué les choses, j’ai été partout en France à la rencontre des jeunes pour parler du bouquin. Je suis allé en Suisse aussi. C’est sûr que ce petit buzz a accéléré les choses, ça me permet de voir d’autres gens, d’autres publics.

 

Tu as des dizaines de projets, tu me disais tout à l’heure que tu te mets aussi à faire de la musique… C’est quoi en fait ta ligne de mire ?

Tout ça c’est des moyens d’expressions différents, mais le but c’est de lutter contre l’enfermement, les inégalités et les préjugés. C’est de rassembler les gens autour du livre, du slam, de la boxe… J’aime bien le mélange quoi, des gens de différents classes sociales et de différents horizons. Je trouve que la société est trop sclérosée : on se retrouve entre gens d’une même classe ou du même âge, on y perd beaucoup. Je kiffe la richesse qu’il y a dans l’humanité, je m’émerveille encore de ça même si les temps sont durs et que politiquement ça craint grave. A la base j’ai toujours voulu changer ce monde pourri. Ce qui me donne de l’espoir c’est les gens.

En ce moment même il y a une manif en soutien à Théo, lundi, une autre manif contre la corruption suite à l’affaire Fillon… Tu penses quoi de l’actualité autour de cette élection présidentielle ?

Moi comme je suis libertaire j’ai jamais cru au système. La démocratie on sait où très bien elle peut aller, on a eu Hitler, on a eu Trump, on aura peut-être Fillon ou Le Pen. C’est le problème de la démocratie. Le gros soucis c’est le système capitaliste qui n’est pas viable à long terme et qui laisse trop de gens sur le côté. Le progrès pour une poignée ça m’a jamais paru porteur quoi, le progrès il est pour tout le monde. Je comprends pas que les gens donnent encore leur voix à des bouffons pathétiques, vraiment ça me choque. J’écoute peu les infos en ce moment parce que ça me choque d’entendre toutes ces conneries. Comme je te disais je me bats aussi pour des idées. J’ai remarqué que dans les médias depuis quelques années la droite et l’extrême droite ont déjà gagné la bataille de l’idéologie. T’entends des Zemmour ou des Finkielkraut qui disent comme ça de la grosse merde depuis des années…

Il y a une fracture : le monde est en chamboulement, les gens ont peur et ils se trompent d’ennemis. Ils se trompent de colère, c’est classique dans l’histoire. Je lis pas mal d’histoire, c’est ma façon de trouver de l’espoir. En ce moment je suis sur Howard Zinn, Histoire populaire des Etats-Unis. En règle générale je lis tout ce qui n’a pas été écrit par les vainqueurs. Les femmes, les noirs, les peuples indigènes, les classes populaires… On est souvent rayés de l’histoire, mais ce qui fait vraiment l’histoire c’est nous. C’est les mouvements sociaux, c’est le rapport de force qu’on instaure.

 

Comment tu arrives à faire passer tes convictions dans ton travail ?

C’est très dur, c’est pour ça que je travaille beaucoup avec des femmes. Je me bats pour qu’elles se libèrent de la domination masculine. Elles n’ont pas d’existence propre en dehors des hommes, elles n’ont pas d’indépendance économique déjà. Moi si j’ai fait du business c’était pour ne dépendre de personne financièrement. Dès qu’il y a une crise économique c’est les femmes et les pauvres qui paient le plus cher. Sans boulot, personne pour garder les enfants, c’est un problème structurel, les lois avancent doucement mais les mentalités encore plus lentement. Je veux les aider à prendre conscience de ce qui les enferme, qu’elles aient envie de faire ça. Dans la discussion ça vaut le coup de faire ce lien là, entre le genre et la prison. Bien souvent elles se rendent pas compte, elles ont le nez dans le guidon alors c’est bien qu’elles trouvent un moment pour elles.

 

T’incarne un peu le strict opposé, tout le parcours que la société ne veut pas que tu fasses tu l’as fait, et tu leur montre à elles que c’est faisable.

J’ai envie de faire un truc je le fais. Quand j’étais petite je voulais faire du foot et on voulait pas de moi. On me faisait pas la passe et tout, j’ai fini par me barrer. C’est pour ça aux petites je leur offre ce moment. Je montre que c’est possible, on me dit souvent que j’ai du courage mais c’est pas réservé aux hommes ! Moi toutes les mères courage que je connais qui se débrouillent toutes seules… J’ai de la volonté et je suis déter quoi. Aujourd’hui ça fait 10 ans que j’enseigne en élémentaire, du CP au CM2 et même pour ça j’ai du me battre. Il fallait que je fasse effacer mon casier pour pouvoir travailler dans l’animation avec les enfants. C’était toute une procédure et ils ont bien voulu me laisser ma chance.

 

Qu’est ce que tu réponds aux gens qui te reprochent justement de faire des cours non-mixte, sous prétexte que ça reproduit le schéma de société que tu combats ?

C’est simple, chez les licenciés de boxe il y a 85% d’hommes, ils ont leur place partout. Mais les femmes ont pas leur place partout. Plein de boxeuses me racontent qu’elles ont franchi la porte d’un club et on leur a répondu « moi j’entraîne pas les filles ». Ces discriminations là elles sont jamais nommées, elles sont pas visibles. L’entre-soi masculin il existe de fait dans le sport et il est jamais questionné. Si les filles veulent s’entraîner en mixité elles peuvent y aller il y a plein de clubs hein. Mais bon, elles se feront peut être harceler ou autre. Ça aussi j’ai plein de témoignages. Tu vois je fais de la socio j’essaie d’avoir cette démarche scientifique : je trouve des statistiques pour appuyer mes propos et analyser les situations. Pour moi il y a un déséquilibre, pour rétablir l’équilibre le seul moyen c’est de faire de la discrimination positive en fait. C’est un parti pris que j’assume, mais pour moi le sexisme, c’est comme le racisme, il vient de ceux qui dominent. D’où l’intérêt de se regrouper, tu parlais des Black Panthers tout à l’heure c’est pareil.

 

T’as réussi a vachement bien t’extirper du monde carcéral, on sait que souvent tomber dedans c’est tomber dans un cercle vicieux. Qu’est ce qui t’a permis de si bien rebondir ?

80% de récidive oui, encore une fois les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je sais pas si c’est de la résilience, pour moi c’est un ensemble de facteurs. Dans les médias ils essayaient de dire “c’est telle figure, le prof de philo charismatique que vous avez rencontré en prison”. Tu vois ils aimaient bien le délire le Cercle des Poètes Disparus et tout. Et effectivement lui il a été important pour moi dans ce lieu sans humanité. Et aujourd’hui c’est toujours un pote. Mais c’est aussi les prisonnières politiques auprès de qui je me suis politisée et j’ai commencé à réfléchir. C’est le courrier de soutien que j’ai reçu, les études, le sport, c’est un ensemble de petites choses. J’ai pas eu de déclic, pas fait de rédemption soudaine.

En prison t’en prend plein la gueule, j’ai appris plein de choses et j’ai eu envie de pas refaire les mêmes erreurs. J’avais 20 piges donc j’avais plein de ressources et d’énergie. Et puis j’avais eu mon bac juste avant la prison, je pense qu’après ça aurait été compliqué. Quand je suis sorti j’étais à la rue, j’avais interdiction de retourner dans ma région d’origine soit disant parce que j’avais des mauvaises fréquentation là-bas. Du coup j’ai dû rester sur Saint-Denis ! J’te jure ils ont peur de rien. Le 93 c’est devenu ma terre d’exil et d’adoption.

 

Dans ton TedX tu dis que tu trouves un équilibre entre entre l’enseignement, le slam et la boxe…

Ouais c’est une quête, entre donner et recevoir. Quand t’es sur scène ou sur un ring tu donnes tout, à côté de ça je reçois énormément avec les enfants et mon public. Faut que ça circule, les affects, les énergies. C’est équilibré parce que ce que je fais a du sens. Je rencontre plein de gens qui passent 40 heures par semaine dans un travail qui n’a aucun sens. Faut que j’ai l’impression d’être utile quoi. Je me fais plaisir et je m’éclate aussi, la vie est courte. J’ai cet équilibre entre la tête, le cœur et le corps.

C’est quoi tes dates à venir ?

J’ai un truc à Lyon, un truc à Montpellier, un festival sur la taule… En région parisienne en ce moment j’ai pas grand chose. Moi là j’étais un peu en phase de création et de repli, j’ai un peu hiberné et maintenant avec le printemps je vais pouvoir ressortir et faire des dates !

Sinon j’ai relancé le projet avec Samia Diar la musicienne de MacaDames et d’ici deux mois on sera prêtes à tourner. On cherche une salle et une date. Parallèlement il y a le projet de ma pote Camo. T’as peut-être entendu parlé du film Spartacus et Cassandra, un documentaire sur un cirque juste à côté là à la gare de Saint-Denis. Camo est en train de retaper le chapiteau qui était dans le film. Elle n’a pas de subvention donc c’est un chantier participatif, tout le monde vient pour bosser sur le truc. Ce sera sûrement un lieu de vie important, on pourra faire des ateliers là-bas. [ndlr : depuis l’interview, le chapiteau est terminé et la soirée d’inauguration a lieu le 9 avril !]

 


Texte : David Attié
Illustrations : Samuel Cortès

David and Samuel Cortès

David est journaliste pigiste, ancien rédacteur en chef de Noise la ville.

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