Interview | Vous avez dit RAPoésie ?

À l’occasion du Noise Festival 2017 – Le Bruit de la ville, le concours RAPoésie (Facebook), créé par un jeune étudiant de Paris VII en 2016, fera partie de la programmation. On a voulu en savoir un peu plus sur Jonas Kerszner qui est à l’initiative de cet événement.

RDV le vendredi 31 mars pour le concours et une table ronde/conférencePOUR S’INSCRIRE au concours : envoyer avant le 22 mars, le texte et l’instru s’il y en a une, par mail à l’adresse « concours.rapoesie@gmail.com »


Tu as lancé ton événement RAPoésie l’année dernière à Paris VII. Ça t’es venu comment cette envie de créer ce concours ?

J’avais une idée qui trottait dans ma tête depuis un bout de temps : celle de montrer les liens entre rap et poésie et d’inciter les gens à travailler dans ce sens. En fait, pour moi le rap, c’est pas que de la poésie. Y’a qu’à voir la tonne de genres de rap qui existe… Mais je m’intéresse particulièrement à une branche de rap que moi j’appelle RAPoésie. C’est cette branche que je voulais mieux faire connaître auprès des étudiants de mon université et c’est pour ça que c’est le nom que j’ai choisi de donner à mon évènement. J’estime que c’est un genre aujourd’hui en France qui fait particulièrement subsister la poésie orale dans la poésie moderne.

Ça remonte à longtemps la poésie dans le rap ?

Les années 90 ont été marquées par un essor du rap en France. À l’époque, y’a eu pas mal de rappeurs français qui travaillaient surtout les allitérations, les assonances. Les thématiques n’étaient pas nécessairement poétiques. La plupart du temps c’était surtout des paroles anti-système. Après, petit à petit, certaines plumes, en plus de travailler les schémas de rimes et les figures de style, se sont mises à adopter des thématiques plus ou moins lyriques. On a par exemple des rappeurs comme Oxmo ou Mc Solaar qui eux sont carrément poètes et vont avoir une grande influence sur une génération qu’on peut appeler la “New Old School” à partir des années 2010.

Tu penses à quels artistes ?

Dans le genre, je pourrais citer par exemple Jazzy Bazz, ou encore Kacem Wapalek qui était venu sur Paris VII pour un entretien avec une professeure au mois de décembre.

Pas mal de slammeurs participent à RAPoésie. Pour toi y’a pas de différence entre le rap et le slam ?

Personnellement, je vois le slam comme un genre de rap au flow un peu plus sobre et presque récité, parlé. Je suis pas du genre à faire une distinction forte entre rap et slam. Pour moi ils font partie du même monde et parfois je mets même le slam dans le grand sac du hip-hop. Par exemple, Grand Corps Malade est vachement hip-hop dans ses sons et dans ses textes ; il cite même des rappeurs parfois pour parler de ses inspirations : Kerry James et NTM pour le son L’heure des poètes. C’est pas du rap car le flow est différent mais c’est vraiment un genre de rap au flow plus sobre. Quand on parle de poésie orale, pas mal de médias parlent directement du slam au lieu de parler du rap qui est parfois encore considéré comme un genre sulfureux. Mais je pense qu’il ne faut pas parler de slam pour cacher le rap. Quand un jeune prend sa plume, il subit plus l’influence du rap que celle du slam et il aura plus tendance à devenir rappeur que slameur.    

Tu t’y es pris comment pour lancer l’événement ?

Je me suis dirigé vers des associatifs de ma classe. J’ai beaucoup bossé avec Lettre aimé et le service culturel de ma fac. Je voulais faire une exposition et un concours. Avec l’expo je voulais montrer le lien entre poésie et rap et montrer que la poésie a toujours été orale. Ça remonte aux aèdes dans le Grèce antique en passant par les troubadours. On peut même dire qu’il y avait des MC’s au Moyen-Âge ! Le concours c’était pour inciter les littéraires de ma fac à travailler leur flow. Je savais que beaucoup écrivaient mais je me questionnais sur l’oralité.

Ça s’est bien passé l’édition de l’année dernière ?

Ça c’était bien passé, on a eu une trentaine de participants au concours et l’expo a duré deux semaines. À côté de ça y’a eu pas mal d’open mics et toutes sortes de délires RAPoétiques. Le jury était composé de professeurs de poésie orale, d’un slameur et d’un membre de Rap Genius France plateforme populaire analysant les textes de rap. J’en faisais aussi partie. On a eu deux gagnants parce qu’on arrivait pas à départager le vainqueur : Jill Romy et Mam’s.

La récompense du concours c’était un enregistrement ?

Exactement. Comme il y avait deux vainqueurs, on a fait un feat qui a été enregistré par un pote et moi dans le cadre d’un de nos projets : La Balek Mixtape. Le nom c’est parce que dès le départ y’a eu de l’authenticité, de la simplicité et une sorte de spontanéité dans le projet. Chacun était à son art. Moi j’écrivais, mon pote composait l’instru, des chanteurs et des rappeurs passaient pour enregistrer… Il y avait une véritable synergie. Les deux gagnants du concours ont été incorporés au projet. Leur feat s’appelle Chaque instant

Tu écris des textes toi aussi ?

J’écris depuis que j’ai 11 ans. Au départ, j’écrivais des bouquins que je ne finissais jamais. Depuis, j’en ai terminé deux qui ont été récemment édités : Run Boy Run et Souvenirs d’une princesse. J’écris aussi des nouvelles et des poèmes avec un style très moderne : beaucoup de verlan et une écriture très musicale avec des thèmes parfois légers. Ça ressemble pas mal à du rap pour faire simple. Et comme je kiffe le hip-hop dans lequel je me suis plongé à l’âge de 15 ans, j’ai toujours voulu interpréter mes textes. Avec Eyal mon pote compositeur, on a obtenu pas mal de matos pour enregistrer et j’ai pu faire interpréter mes textes par des rappeurs et des chanteuses. Je vais sortir dans quelques mois un recueil de textes qui s’appellera Zion et dans lequel figurera certains des textes que j’ai fait interpréter

Et toi t’es pas un peu rappeur ?

Pas du tout. J’ai un flow de merde. Mais je travaille ma plume depuis un certain bout de temps et elle me satisfait.

Sinon tu as organisé d’autres événements ?

Cette année j’ai organisé une conférence en début d’année en amphi dans ma fac dans laquelle il y avait des spécialistes de rap, des rappeurs, des slammeurs, dont L’indis, un rappeur à l’ancienne, plutôt technique, et prof à côté de ça.

Et cette année ça va ressembler à quoi RAPoésie ?

Cette année j’avais envie pour le concours de prendre un peu plus d’indépendance, que ce soit plus large et que ça fasse plus parisien que Paris VII. C’est là que ça a été intéressant de l’incorporer au festival Noise la Ville vu que c’est pas sectorisé sur une fac ou une université. Ça permettra d’inciter davantage les gens extérieurs à participer au concours et à travailler leur plume. En plus, RAPoésie c’est à la fois un événement festif et de réflexion. Du coup ça marchait bien avec Noise la Ville pour collaborer. 

T’as pas une petite punchline pour finir ?

« Si les meilleurs partent en premier, pourquoi suis-je toujours en vie ? » Booba

 


Texte & Photo : Fiona Forte

Fiona Forte

Originaire de l’Essonne, Fiona construit sa réflexion autour de la ville à travers des projets visuels et éditoriaux pensés pour donner la parole aux habitants. Après des études de lettres et de sciences politiques, elle se tourne vers le journalisme et l’organisation de manifestations culturelles, en se spécialisant dans les enjeux urbains. En parallèle, sa pratique photographique s’enrichit au contact des pays qu’elle parcourt, notamment ceux du continent américain, et de reportages en région parisienne. Elle se consacre actuellement à l’écriture d’un documentaire vidéo sur le carnaval de rue brésilien et à la réalisation d’une série photographique sur les liens entre masculinité, féminité et séduction.

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Fiona Forte

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