Hossegor est la capitale européenne du surf. Tous les étés, plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants viennent s’entasser dans des combis aux couleurs délavées pour profiter des vagues, chanter autour de feux de camps et accessoirement rajeunir la moyenne d’âge de la ville d’au moins 35 ans. Le centre-ville est plein de boutiques de surf, de skate et autres sports extrêmes et il s’agit peut-être du seul endroit sur Terre où le port de tong a quelque chose de sexy. Sur le bord de plage hossegorien, parmi les magasins de touristes, les glaciers et les bars aux partis-pris musicaux et esthétiques assez douteux, se trouve une petite chapelle. C’est là que se trouve la Surf Church.
La Surf Church est une église protestante qui se décrit comme une alternative aux paroisses chrétiennes plus traditionnelles et conservatrices de la région. Contrairement aux Christian Surfers, mouvement fondée par l’australien Brett Davis, la Surf Church est une paroisse et non un réseau de surfeurs de confession chrétienne. Son but est de « faire le pont entre la plage et l’église » m’explique Audrey, qui accueille les nouveaux venus et qui est un des piliers de la communauté. Audrey est devenue chrétienne en Australie, alors qu’elle vivait chez un pasteur et sa femme. C’est là-bas qu’elle a rencontré pour la première fois des jeunes Christian Surfers. En France, elle a longtemps eu du mal à trouver une église aussi tolérante et ouverte que celle qu’elle fréquentait en Australie. Finalement, elle trouve à Biarritz une communauté de surfeurs chrétiens qui organisent des services dans une petite chapelle en bois prêtée par l’église réformée de Bayonne. Audrey sent qu’il est possible de créer quelque chose de plus concret, qui verra finalement le jour à Hossegor quelques années plus tard.
Aujourd’hui, l’église propose un culte hebdomadaire ainsi que des ateliers de lecture de textes réguliers. La Surf Church est jeune et bilingue et si tous ses fidèles ne sont pas surfeurs ils font partie de la « communauté de la plage ». En fait, ce que je ne comprends qu’en regardant cette vidéo faite par la Surf Church, c’est que la Surf Church a vocation à aider les individus en difficulté, en particulier ceux « perdus dans l’alcool et la drogue » qui ne trouvent pas dans les stations balnéaires et leurs paroisses plus classiques le soutien et l’accueil nécessaire à leur rétablissement. Audrey m’assure que l’église ne suit pas de tradition évangéliste. Pourtant, la vidéo et certains aspects de son fonctionnement me semblent avoir une démarche prosélyte. Le témoignage de Richard, pasteur et co-fondateur de la Surf Church, justifie de manière décomplexée sa volonté de créer une église à Hossegor par la nécessité d’aider des gens isolés et de les fédérer autour d’un culte accessible à tous. Ce que confirment les liens étroits qu’entretiennent les membres de l’église entre eux.
Bien avant le commencement du culte du dimanche soir, les membres de la Surf Church discutent devant la chapelle. Ils sont bronzés, athlétiques, souriants. Un joyeux croisement entre une publicité American Eagles et un rassemblement de sosies de Jack Johnson. La chapelle, surnommée Notre-Dame des Dunes, a été prêtée à la Surf Church par la paroisse catholique qui ne l’utilisait auparavant que l’été. Cela marque un réel progrès pour la communauté qui peut ainsi s’implanter quelque part et se projeter sur le long-terme. Ainsi elle envisage la création d’une auberge de jeunesse dans les parties communes du bâtiment pour pouvoir accueillir des surfeurs chrétiens du monde entier. Avec l’ouverture de la chapelle à l’année, certains rêvent de pouvoir organiser des ateliers pour les femmes enceintes et les mères, des groupes pour les jeunes, un parcours « alpha » pour les non-croyants et pourquoi pas un food truck, en plus des analyses bibliques hebdomadaires.
À l’intérieur de la chapelle, les planches de surf côtoient les bibles et des morceaux de bois font office de crucifix. Une fois que tout le monde a enlevé chapeaux de paille et lunettes de soleil et s’est assis, le culte commence. Des paroles des chansons défilent sur un powerpoint psychédélique. Trois jeunes musiciens accompagnent les alléluias, les praise the lord avec guitares et batterie. Les gens se lèvent, chantent, lèvent leurs poings dans un élan rock’n’roll. Cela dure 20 minutes. Chacun est incité à taper dans ses mains et à se lever à coup de grands sourires et de « Come ooon! ».
L’instant musical passé, le sermon commence. Richard, le pasteur, y raconte ses mésaventures lors d’un voyage en Angleterre. Micro en main, maillot de bain et t-shirt, il ponctue ses anecdotes de traits d’humour, proposant un joli one-man-show aux fidèles dont les rires résonnent dans la petite chapelle. Son ton passe du décontracté au grave, ses propos de la blague à l’invitation à la prière. Il y a cinq ans, Richard et sa femme Regi quittent leur Royaume-Uni natal avec pour projet de s’installer sur la côte ouest de la France. Richard, fort de la tradition protestante dans laquelle s’inscrit sa famille – son frère et son père étant pasteurs – veut y créer une paroisse. Ils rencontrent Christophe et Melissa Parenty, un couple oeuvrant pour la cause des surfeurs chrétiens à Hossegor, qui comptent alors rentrer en Australie. Richard et Regi prennent le relais et se vouent à la création de la Surf Church. Grâce au soutien d’un membre de la paroisse catholique de Hossegor, ils se font prêter la chapelle de la plage. Ils créent un réseau bien ancré localement, qui complète une communauté très internationale. Ainsi, la moitié des fidèles de la Surf Church sont français, l’autre viennent d’Angleterre, d’Australie, de Norvège et d’ailleurs. À la volonté d’inscrire la Surf Church dans Hossegor, s’ajoute un projet de fédération des différentes églises de surfeurs. En 2017 aura lieu la première conférence des surf churchs, laissant entrevoir de nouvelles possibilités pour la communauté hossegorienne.
Après la lecture d’un texte du livre de l’Apocalypse, le pasteur invite les personnes dans la chapelle à se regrouper autour de deux femmes enceintes de la communauté. Ces-premiers touchent le ventre de ces-dernières sur fond de prières de Richard. Parmi eux, Christian, un ami d’Audrey.
Son témoignage dévoile le pouvoir fédérateur de la Surf Church. Pour lui comme pour beaucoup d’autres cette église a changé sa vie. Il raconte qu’il a découvert la foi au mariage d’Audrey, organisé par la Surf Church. Il m’explique qu’il considère cette manière de pratiquer la religion comme vraie, honnête. « Moins de “pardonnez-moi pour mes pêchés”, plus de communion ». Lorsqu’il connaissait des moments difficiles, la Surf Church et sa communauté « accueillante, chaleureuse » l’ont aidé. Le format spontané du culte, la musique et la grande place de la discussion rendent cette communauté exceptionnelle aux yeux de leurs fidèles. Ceux-ci, à l’instar de Christian, y voient une véritable famille. C’est ce qui les poussent à faire parfois jusqu’à une heure de route pour assister au culte et aux analyses bibliques, ce qui les pousse à chanter des cantiques rock, à troquer soutanes et chapelets pour maillots de bains et bracelets brésiliens.
L’office se termine autour du goûter d’anniversaire de Richard. À la sortie de la chapelle, profitant des derniers rayons de soleil on joue à la pétanque, on discute, on organise les chemins du retour.
Church, surf & rock’n’roll.
Texte : Nina Roques
Illustrations : Clément Lecocq
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