Niché entre un salon de coiffure et un restaurant japonais, cette devanture jaune pissenlit nous fait de l’œil et attise notre curiosité. Mais que contiennent donc les murs du numéro 114 de l’avenue Parmentier ? Les têtes rousses, blondes ou brunes de la vitrine nous donnent la réponse. Henri Launay, réparateur de poupées, nous accueille dans sa boutique.
A peine la porte franchie qu’une véritable gymnastique des yeux commence. Où poser son regard ? Sur les petites mains qui dépassent des cartons ? Sur cette montagne de poupées sans têtes ? Ou sur les globes oculaires en plastique rangés dans leurs sachets ? Tournevis, paires de ciseaux, tubes de colles, tout traîne dans cet atelier. Pourtant, chaque outil semble être soigneusement posé à sa place. Après un tour d’horizon visuel de ce local insolite, c’est sur les yeux de Henri que l’on s’arrête. Son sourire en coin rassure dans cette ambiance, avouons-le, un peu particulière.
Réparateur de poupées depuis 1964, plus qu’un passe-temps, se retrouver dans son atelier est un réel besoin pour cet octogénaire. Quand il n’est pas ici, Henri fait de la moto où du tennis de table. « Pas du ping-pong hein ! Ca c’est pour les amateurs ! » s’exclame t-il. De l’humour, il en a. Et du talent aussi comme le témoignent les articles de presse américains et japonais qui sillonnent le mur de son magasin. Plus de doute, nous sommes face à un « magicien aux doigts de fée ».
Depuis le début de sa carrière, Henri a réparé plusieurs milliers de poupées. Et jamais un faux pas en 52 ans. Autrement dit, pas une seule figurine de cassé. Chapeau bas car la plupart de ces demoiselles possèdent la tête en « biscuit », dont la porcelaine cuite deux fois, se transforme en céramique particulièrement fragile. En faisant appel à un fournisseur de cheveux naturels, ce « chirurgien » emploie les grands moyens. C’est donc avec amour et soin du détail qu’il redonne vit à ses statuettes.
Mais il est difficile de faire la distinction parmi tous ces visages. Certains datent du XIXème siècle et valent près de 3 000 euros. De véritables petits bijoux pour les collectionneurs. Henri nous désigne également des modèles impossibles à retrouver de nos jours. Car en 1965, les baigneurs en celluloïd disparaissent de la circulation. En raison de leur composant inflammable, trop dangereux pour les enfants, leur vente devient interdite. Mais en récupérant quelques pièces dans les années soixante auprès des fabricants, ces poupées uniques se retrouvent aujourd’hui entre les mains du restaurateur.
« Avant j’étais dans la maroquinerie. Je réparais les sacs, les valises mais surtout les cartables en cuir des écoliers afin qu’ils se succèdent de génération en génération » nous confie t-il. Cette notion de transmission semble essentielle chez Henri. Et la poupée détient aussi cette particularité. Celle de résister à l’épreuve du temps et de posséder une forte valeur sentimentale. Mais pour cela, elle a besoin de passer entre les doigts prodigieux de Henri. A l’instar de cette lettre manuscrite, qui décore la vitrine, où un garçon de porcelaine, dénommé Victor, le sollicite pour qu’il répare sa tête. Ou encore, dans un autre papier, on découvre une belle histoire. Celle d’un soldat allemand qui, pendant la seconde guerre mondiale, offre une poupée à un petit garçon. Et grâce au savoir-faire et à la passion de Henri, celle-ci existe encore aujourd’hui et conserve son éclat d’antan.
Texte et photos : Céline Quintin
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