La chaleur du soleil parisien fait à peine son apparition que Milouch se faufile déjà sur les pierres des rues pavées. Des fissures lézardent le mur du café dans lequel on s’installe. Mais notre lézard ne pourra pas s’y glisser. Vif, mais peu craintif. Bavard aussi, et l’oeil pétillant. Il ne commande cependant pas de Badoit, mais un café, et le moment passe crème.
Retour sur un moment riche en gamberge, le lézard ne se dore pas la pilule et on ne la lui fait pas avaler.
Delmiran : Trois mots pour te décrire, aussi bien humainement que musicalement ?
Milouch : (il prend le temps pour réfléchir) Sensible, j’ai hérité ça de mon daron. Contradictoire car je suis à la fois curieux et introverti, spontané et cérébral. Et ambitieux, dans le sens où je n’ai pas peur de choisir un métier instable, pourvu que je ne finisse pas les deux pieds sous un bureau et avachis sur une chaise…
La question va paraître un peu commune mais c’est parfois aux questions banales qu’on reçoit des réponses originales ; comment t’as commencé le rap ?
En déconnant, c’était à l’occasion d’une soirée. Une quinzaine de potes était là et on s’est lancé ce défi pour rigoler. J’étais en seconde, ça fait donc quatre ans ! A vrai dire, c’est arrivé à une période où je ne faisais plus d’art. Un hasard bienheureux. Le côté sérieux est venu un peu après. J’anticipe les interrogations sur mon blaze, c’est un surnom qui date d’avant le rap ! Des sobriquets, j’en ai eu pas mal… Disons que c’est le moins moche de tous ceux qu’on m’aient donné. (rires)
Dans le « Freestyle OVAPROD », tu dis « J’tourne en rond, j’fais des sauts périlleux ». L’ennui peut être une source de créativité ?
Mon daron a toujours dit « Faut aimer l’ennui ». L’ennui, c’est quand t’as l’impression de ne pas vivre l’instant présent. J’écris beaucoup sur la solitude, en fin de compte les deux sont liés. C’est vrai que c’est frustrant de percevoir un décalage entre tes attentes et ce qui se passe… Je défend l’idée de la contemplation, le mot peut paraître abstrait mais il pourrait se résumer à ça : une rose est plus belle quand tu l’observe que quand tu la cueille.
J’ai écouté « Le Voyage », t’as écris ce son en baroude ?
Je l’ai écrit principalement dans une chambre et un peu dans le métro. Mais c’était bien à une période où je baroudais. D’ailleurs, pour ce qui est du clip, on l’a tourné dans un village paumé en Auvergne !
Sénèque disait que ce n’est pas en changeant d’endroit qu’on se change soi-même. T’es d’accord avec ça ?
Partir en vacances ne me fera pas changer. Mais finalement, le lieu importe peu. C’est le voyage qui compte plus que la destination. Tiens, je vais te donner un exemple. On dit que des hippies qui traversaient les pays ont rencontré des sages avec qui ils eurent une discussion pour le moins particulière. Les vieux sages expliquaient que certes, le LSD permet de faire un voyage de ouf mais que la drogue, c’est un peu l’hélicoptère qui fonce vers la montage. Avec cette substance, tu voyages vite. Avec la méditation, tu fais le voyage à pieds vers cette montagne. Plus long, mais peut-être plus intéressant.
Inutile de vous dire que le lézard, agile de ses petites pattes crochues, saura escalader la montagne sans avoir recours à l’hélicoptère.
J’aimerais rebondir une dernière fois sur ce son. J’y ai entendu une trompette. Ton entourage est investi dans la musique ?
T’as entendu Emile, c’est le mec qui a fait la prod. Il a reçu une formation classique, au départ il était plutôt branché piano. Et puis, il s’est mis au jazz et au reggae. Je bosse avec lui depuis déjà quelques temps. C’est le président de la « Connec’son », une association conçue pour nous faciliter l’accès aux salles lors des concerts. C’est aussi une plate-forme qui connecte les artistes de tout horizon. On vise la transversalité. Dedans, on est tous artistes. Il s’agit aussi pour nous de se promouvoir ! Notre but, c’est d’acquérir de l’autonomie en faisant les choses nous-mêmes.
A un moment donné tu dis « j’ai vécu l’instant présent et j’ai ressenti la paix ». Qu’est ce que c’est que, pour toi, vivre l’instant présent ?
Pour moi, c’est l’essentiel. C’est ce qui existe. En soi, le passé et le futur n’existent pas. Vivre l’instant présent, c’est aussi prendre le Bien dans toutes les situations. J’ai remarqué quelque chose, l’homme est doté d’un outil, le mental, qui invente passé et futur. Le problème, c’est qu’on est trop souvent contrôlé par l’outil alors que ça devrait être l’inverse ! Il faut penser de manière consciente et choisir quand t’utilises ton mental. Je suis partisan du « juste milieu » !
Le clip de « Contemplation » est curieux. Il commence de jour, tu t’engouffres dans un tunnel et tu en ressors lorsqu’il fait nuit. Le tout donne l’impression d’un plan séquence. Pourquoi être parti de la nuit jusqu’au jour ?
Il fait tout le temps jour dans le clip. En fait, on est à l’intérieur au début, d’où cette impression de nuit. C’est ça le piège (rires). J’ai un goût particulier pour le plan séquence. Mais avec du recul, le concept n’a pas été poussé jusqu’à son paroxysme. Si je devais l’améliorer, on verrait des graffs avec des dédicaces et des mecs avec qui j’aurais des interactions dans ce tunnel. J’aurais également ajouté des animations. Mais pour tout te dire, je voulais que ça sorte rapidement. Je ne suis jamais content de moi, donc au lieu de me triturer les méninges pendant deux ans sur un son, j’essaie d’écrire et de sortir mes bails dans la foulée. Par exemple, « Le Voyage » a mis un temps fou à sortir ! A la fin j’en avais presque marre de l’écouter (rires). Dans l’idéal, j’aimerais sortir les trucs avec un intervalle d’une semaine.
Dans le même morceau, tu dis « non il n’y a pas de mauvais choix si tu les fais par amour ». Pour toi il s’agit d’écouter son cœur avant sa tête ?
Si t’es habitué à écouter ton corps, ta tête est censée suivre. Sauf qu’on a parfois été habitué à penser en contradiction avec notre corps. L’exemple du médicament… Ton mental fait ton système immunitaire. Je pense qu’il est bon de ressentir de la gratitude pour ton corps, c’est un bienfait incontestable.
Et dis moi, dans ton Freestyle n°1 – Jarry, tu évoques le cinéma. Dans d’autres sons aussi d’ailleurs. D’où te vient ce goût pour le 7e art ?
Devenir acteur, c’est un rêve que j’ai depuis tout gosse. Au départ, je faisais du théâtre. J’ai réalisé que bosser en équipe, c’est tout un univers ! Les personnalités peuvent se compléter, même s’il arrive que ça puisse se clasher. Tiens, je vais te conseiller quelques films. Déjà, il y a Oui, Mais… de Yves Lavandier, ça c’est un film qui porte sur le droit de se plaindre. Dans la vie de tous les jours, t’as toujours quelqu’un qui te sort « Oui, mais… » pour reporter son malheur sur quelqu’un (rire). Après, il y a aussi Pleasantville de Gary Ross. C’est une ville où tout est beau, tout est joli, il n’y a aucun désir et le monde est en noir et blanc. Dès lors que des gens entrent dans le film avec leurs désirs d’humains, les couleurs surviennent… Et en film d’animation, ça serait Princesse Mononoké et plus généralement tous les Miyazaki !
Je t’ai rencontré à un Open mic il y a quelques mois, t’envisages de la scène et des projets pour la suite ?
J’ai envie de faire de la scène pour le rap ! J’en ai déjà fait, mais pour le théâtre. Je compte bien me rendre à plusieurs Open mics jusqu’à la fin de l’année. Ça foisonne de mecs qui ont la dalle ! Ensuite, je ferai de la scène. Mais faut se dépêcher car le rap est un mouvement qui évolue rapidement. Prendre le train en route, ne pas rater le coche ! Pour moi, c’est sûr que c’est plus facile de rester dans une chambre à écrire que de sortir et partager. C’est là-dessus qu’il faut que je mette l’accent. En ce qui concerne un éventuel projet, j’ai des morceaux et des prods de côté. Une bonne trame en tête. Mais je préfère d’abord avoir mon diplôme BTS en audiovisuel avant d’entreprendre un vrai truc.
Lors de ma dernière interview, j’ai demandé quelle couleur correspondait le mieux à Monsieur Wish. Comme la réponse m’a plu, je réitère. Quelle serait ta couleur ? Ses yeux ronds me regardent avec malice. Je sens sa vivacité d’esprit pointer le bout de son museau.
Un gris kaki qui déteint sur le vert avec deux néons violets ! (rires) Le gris pour la ville, le vert car je bénis la nature. L’humain, c’est une touche de vert dans tout ce gris urbain. Et puis le violet pour le renouveau, le psyché et le miroir !
Ma sélection :
Contemplation
Freestyle #2 @Valeurs
Freestyle #21 – Milouch – Sous – Ovaprod
Freestyle Ova Prod #37 – Milouch & Sou’s
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