600 Euros d’Adnane Tragha sera projeté en avant première avec le réalisateur, à 17h avant la conférence « Raconter son imaginaire urbain » le 17 mars 2016 dans le cadre du Noise Festival 2016. (informations)
Quand le politicien jongle avec les milliards, d’autres, jonglent avec 600 euros. Pour ceux la, les anonymes, 600 euros c’est presque un RSA. C’est la différence entre avoir pied ou se noyer, c’est le fossé entre vivre ou survivre.
Ce qui relie le politicien et le smicard, c’est l’élection. Filmé dans un quartier d’Ivry sur Seine pendant les présidentielles de 2012, le film d’Adnane Tragha est une loupe sur cet instant où la politique pénètre de ses promesses le quotidien des anonymes. Cet instant où se tissent les rêves et où se cristallisent les déceptions. Marco est l’un de ces anonymes. Il se rêve chanteur à texte mais à quarante piges il a des dettes et ne voit pas le bout du tunnel. “Aujourd’hui tu n’as plus le droit d’être un rêveur” explique le réalisateur… Alors il va sous-louer une chambre de son appartement à Leïla, jeune étudiante à la fac enthousiasmée par la montée en force de François Hollande. Leur voisin du dessous est un veuf esseulé, sur la pente du FN. Il ne parle plus à sa fille parce qu’elle vit avec un noir sans papier.
La mosaïque de personnages, de héros et d’antihéros va palpiter au rythme de la campagne, du premier tour et de la victoire de Hollande. Pour Adnane Tragha, il ne s’agit pas de faire un film militant mais plutôt un tableau honnête de la banlieue : un quartier mélangé, ou s’expriment tous les profils et toutes les voix. Il veut raconter l’histoire de ceux qui n’en ont pas. “Je trouvais intéressant de mettre des histoires sur les chiffres et les sondages dont tout le monde parlait”. A la retraite, sans papiers, sans emploi, sans opinions… les banlieusards tranquilles que les médias ne voient qu’en statistiques et qui rentrent trop facilement dans les cases abstentionnistes, chômeurs, racistes et délinquants. “Dans les médias ou au cinéma, les noirs et les musulmans, c’est chaud” finit-il par lâcher. Il se souvient d’ailleurs des paroles de Métèque et Mat d’Akhenaton qui résume le malaise :
“Aucun héros à notre image, que des truands
L’identification donne une armée de chacals puants”
“Du coup j’ai fait le noir parfait” poursuit-il en riant, “un mec cool avec ses potes, avec sa copine… il n’a pas de papier mais il a ouvert une librairie et un club de boxe. Il ne peut pas voter mais il milite, il est irréprochable !”. Évitant les stéréotypes sur les quartiers, le deal et les halls, Adnane Tragha décrit l’Ivry dans lequel il a grandit. Ce sont ses propres souvenirs qui sont distillés dans la narration et la psychologie des personnages. Aucun d’eux n’est stigmatisé et c’est une parole lucide, plurielle et humaniste qui s’en dégage.
Celui qui ne revendique pas de culture cinématographique à part Rocky et Abdellatif Kechiche, a fait ses armes en lançant sa boîte de production Passe Passe la Cam’ sous l’aile bienveillante de Besson et Europacorp. Adnane Tragha réalise notamment une série en format court, Passe Passe le Mic qui raconte les galères de deux apprentis rappeurs sur leur canapé. Une sorte de Bloqués dix ans plus tôt et plus efficace. D’ailleurs à ses débuts Adnane se méfiait de la comédie, il préférait faire passer des messages. Aujourd’hui son cinéma est drôle sans effort, et pourtant riche d’une vision subtile de la société. Dès la première scène où Marco brûle sa carte électorale, on comprend que 600 euros n’est pas un film niais sur la banlieue, ni une fresque complaisamment multiculturaliste.
Quand il se lance dans le tournage, il n’a que trois lignes de scénario. Celles-ci deviennent rapidement trois pages puis s’étoffent pendant le travail avec les comédiens, plus ou moins professionnels. “Tout s’est fait au feeling” m’avoue Adnane et sans équipe. “Le manager du héros par exemple, est une copine de ma femme que j’avais rencontré la veille”… Sans script – et alors que le tournage s’étalait sur plusieurs mois – Adnane réalise un jour qu’il doit tourner à nouveau plusieurs scènes parce que les raccords barbe et cheveux du personnage principal n’ont pas du tout été respectés. Sa petite équipe lui fait gagner en souplesse et en vérité. Le jeu d’acteur est sincère et certains plans urbains sont magnifiques. Un plan en particulier fait la fierté du réalisateur. Glané à la Bastille à l’élection de François Hollande, c’est un plan de la foule où l’on distingue deux drapeaux tenus ensemble et qui flottent d’un même mouvement : d’un côté c’est le drapeau français, et quand le vent tourne c’est le drapeau tunisien. “Quand j’ai commencé le cinéma je n’avais pas de moyens, c’est ce cinéma simple et engagé que j’aurais voulu faire”. C’est chose faite. Le résultat est un film ludique et intelligent sur la relation entre la banlieue et la politique, en écho direct à l’actualité française.
Une fois le film sorti (en avril), Adnane Tragha s’imagine traverser la France dans un bus pour projeter son film. Une façon de partager son film différemment et de le faire vivre hors des canaux de distribution habituels, mais aussi de créer du débat entre son public et l’équipe du tournage. “Une grande tournée comme une troupe de théâtre” dit-il rêveur, “et pourquoi pas jusqu’en 2017”. Il ne l’admettra pas, mais Adnane Tragha est en campagne…
600 Euros d’Adnane Tragha sera projeté en avant première avec le réalisateur, à 17h avant la conférence « Raconter son imaginaire urbain » le 17 mars 2016 dans le cadre du Noise Festival 2016. (informations)
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