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Conférence-débat « Le rap éclaire-t-il (toujours aussi bien) Paris ? »

Lundi 1er Décembre, Noise La Ville animait une conférence débat sur le thème « le rap éclaire t-il toujours aussi bien paname ? » à Sciences Po. Pour l’occasion, les bancs de l’amphithéâtre Emile Boutmy se remplirent de curieux et de passionnés, avides de voir comment le Rap est traité à Sciences Po, ou tout simplement attirées par la programmation : Oxmo Puccino et Greg frite (rappeurs), Maxime Lebizay et Medhi Maizi (journalistes à l’abcdr du son), ainsi que Séverin Guillard (géographe).

Après une présentation du collectif et des intervenants (dont la réputation n’est plus à faire pour la plupart) le géographe Séverin Guillard a posé les bases du débat en commençant par une définition des termes du sujet. Le rap éclaire t-il toujours aussi bien paname ? Encore faudrait t-il savoir de quel Paname parle-on pour étudier sa relation avec la culture Hip Hop.

Paris existe à différentes échelles dans le rap. C’est d’abord Paris intramuros dont il s’agit, parfois à travers des références à des espaces plus réduits, des arrondissements ou des quartiers précis. On peut penser notamment au 18ème arrondissement de Paris, qui a inspiré beaucoup d’artistes. Avant l’ère numérique, on pouvait aisément deviner le quartier d’origine d’un rappeur à son vocabulaire et à son style. La Scred Connexion dans les années 90 imposait avec rigueur ses codes à ses jeunes poulains. Aujourd’hui la tendance est à l’uniformisation, les clivages musicaux entre les quartiers s’estompent.

Paris transparaît aussi en sa qualité de métropole, avec ses banlieues revendiquées comme constitutives de l’identité et du style des artistes qui en sont originaires. Par ailleurs, l’idée de Paris en tant que capitale polarisatrice d’un Etat centralisé est clairement illustrée dans le rap français, avec la perpétuelle opposition entre Paris et « la province », notamment par l’éternelle rivalité entre rappeurs parisiens et marseillais. Pourtant, ces revendications identitaires n’excluent pas le succès auprès d’un large public qui est toujours prêt à s’identifier. Comme l’illustre le « Seine Saint Denis Style » de Kool Shen, repris en chœur dans toute la France (jusqu’aux quartiers phocéens).

Qu’entend-on ensuite par « éclairer » Paris ? Il s’agit ici de se demander comment la ville est dépeinte dans le rap, sous quels traits et de quelle façon : plutôt ville lumière ou Paris populaire ? Force est de constater que tous les rappeurs n’en offrent pas la même représentation et selon qu’ils soient parisiens ou banlieusards, ils développent différents regards. En effet, si Paris est une source d’inspiration intarissable pour les rappeurs, les textes qui l’évoquent ne sont pas tant des déclamations envers la ville que des récits de la vie parisienne. C’est pourquoi on peut dire que « les rappeurs sont les plus grands témoins urbains » (Oxmo Puccino).  Ils racontent leur Paris.

Au-delà des textes, la représentation de Paris aussi évolue aussi dans les clips : les années 90 ont mis l’accent sur une imagerie très urbaine, et les années 2000 ont donné une plus grande place à la banlieue. Mais depuis 2009, on observe un retour de Paris intra-muros dans son aspect « carte postale ». Le fait d’accentuer l’image de Paris en tant que capitale du luxe, reflète selon Oxmo Puccino l’évolution du rap comme musique commerciale, qui produit des clips pour plaire. Cette image de Paris se retrouve également dans le rap américain, comme l’illustre le morceau Niggaz in Paris de Kanye West et Jay-Z, qui est assez représentatif de l’imaginaire fantasmagorique que suscite la capitale.

Ainsi donc, les rappeurs offrent différents éclairages de Paris. Mais peut-on dire que Paris éclaire bien le rap ? Tout d’abord, la ville concentre l’essentiel de l’industrie musicale française, et la majorité des albums de rap « certifiés » sont produits à Paris. Il n’existe qu’une exception notable à ce centralisme : la ville de Marseille, qui connait elle aussi une scène rap effervescente. Pour un jeune rappeur, le passage par la capitale a longtemps été une étape obligée dans l’accession à la notoriété. Cependant, l’essor des nouvelles technologies a changé la donne, en permettant une large diffusion des morceaux sans passer par une maison de disques. Dès lors, Internet se fait révélateur objectif des talents français. Pour Oxmo, le travail et seul le travail permet à un rappeur d’être visible sur la scène nationale. C’est l’exemple de Nemir et Orelsan qui ont réussi sans revendiquer d’origines régionales grâce à leurs qualités techniques. Néanmoins, s’il n’est plus nécessaire de venir à Paris pour se faire connaitre, la capitale polarise toujours les plus grands noms du rap français, et reste un passage indispensable « à partir d’un certain seuil de popularité » (Oxmo). Par ailleurs, il ne faut pas croire que les rappeurs qui viennent à Paris perdent leur identité, car selon Greg Frite, « Paris est une mosaïque de toutes les villes de France ». Tout cela nous mène à nous demander s’il on peut vraiment parler d’un « son parisien » dans le rap, qui se distinguerait empiriquement d’un rap « provincial ». Selon Oxmo, il y a eu un son spécifiquement parisien au début, avec la patte reconnaissable d’une poignée d’ingénieurs du son qui tenaient les rennes, mais aujourd’hui cette distinction n’a plus lieu d’être.

David

David est journaliste pigiste, ancien rédacteur en chef de Noise la ville.

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