En marge de notre prochaine conférence à Sciences Po Le rap éclaire-t-il (toujours aussi bien) Paname ?, on a décidé de ressortir des tiroirs quelques cassettes et CD de rappeurs qui mettent l’accent sur Paris, thématique manifestement impérissable, dont l’ébruitement évolue sans cesse au fil des années. Première partie entre 1984, année zéro du hip-hop en France, et 2003, à l’heure où l’ADSL poussait ses premiers braillements dans la capitale.
Alors que l’évangélisation de la Zulu Nation commençait à bien porter ses fruits, l’un de ses représentants émérites Dee Nasty, à l’instar de l’un de ses héritiers des platines le regretté Dj Mehdi, s’adonner aux joies du rap avant de faire all-in sur le deejing. Le hip-hop arrive en France, et comme une évidence, son premier grand titre se concentre sur Paris, avec l’ombre d’Afrika Bambaataa qui plane autant sur les sonorités que sur les textes conscients.
En 1990, Rapattitude est la première compilation de rap français qui révèle quelques noms comme NTM, Assassin ou encore Tonton David. L’un des titres phares s’appelle Paris Black Night, qui rappelle que le hip-hop animait déjà la nuit parisienne populaire, véritable exutoire de nombreux Parisiens noirs qui s’assument au sein d’une France assimilationniste pas tout le temps à l’aise avec ses communautés afro-descendantes. Alors que le titre dénonce les inégalités, les vices et un certain racisme ambiant dans la capitale, Paris Black Night est également un documentaire éponyme réalisé par le producteur de Rappatitude, Benny Mapala. Prolongeant la chanson originale, ce documentaire est une véritable carte postale du Paname d’il y a un quart de siècle.
Le milieu des années 90, c’est cette époque où le hip-hop français pouvait encore exalter son interdisciplinarité, et ce juste avant que le rap ne prenne son envol commercial avec un point de non-retour, délaissant les autres disciplines à la marge du showbiz. Parmi ces dernières, le graffiti et sa dimension illégale connaît littéralement un « âge d’or en sous-marin » jusqu’au début des années 2000. Ainsi malgré le double-sens volontaire du titre, les pionniers du Suprême NTM chuchotent la gloire de cette pratique vagabonde qui a déjà investi les murs franciliens depuis près d’une décennie, entre revendications politiques et simple plaisir artistique.
Révélé dans le sulfureux 95200 du Ministère A.M.E.R., Doc Gyneco explose en solo avec son premier album Première Consultation sorti en 1996. Son flow détaché le démarque du monde nerveux du Secteur Ä, collectif du Val d’Oise qui défraie la chronique. Sur fond de psychédélisme G-Funk, le Doc se fait le guide nonchalant de son 18e, quartier populaire parisien dont les rues « Benetton » sont devenus les corners de Compton le temps d’une chanson désormais culte.
Alors que le Doc s’amusait à sublimer la Porte de la Chapelle, l’une des meilleurs plumes du rap français, disparue de la circulation depuis 2000, signe alors une magnifique opération désenchantement d’une Ville Lumière vicieuse et violemment différente des cartes postales touristiques du Louvre et de la belle vie… « Parce que Paris rend les gens fous » et « le stress s’empresse d’agresser les parisiens »
Il s’agit ici d’une relation « je t’aime, moi non plus » entre Paris et ses habitants impermanents. La capitale, à la fois personnifiée et inhumaine, reste indifférente aux galères et à l’évolution de ses membres, qui sont souvent amenés à effectuer des allers-retours entre le centre et sa périphérie. Le trio, qui s’est formé à Nanterre avant de s’établir dans le XVIIIe, prend ainsi un point de vue d’outsider blasé, qui a appris à faire avec les règles d’un Panam’ inoxydable.
Le métro parisien reste toujours un excellent observatoire des interactions entre les cellules humaines de l’organisme urbain, mais également une scène parfaite à fort potentiel de vaudevilles grincheux qui auraient le don de traumatiser les touristes japonais. Ici, Nakk Mendosa conte ses aventures sur la ligne 5, où il se voit chopper le syndrome du trom’. Les symptômes sont manifestement de vivre et d’imaginer une combinaison d’histoires infinie, entre Boboch’ et Place d’It’.
Nouvelle personnification d’un Paris impitoyable par le kicker issu de Boulogne-Billancourt révélé avec La Cliqua. Si la personnification d’une métropole impitoyable et exclusive demeure, le ton n’est pas aussi résigné que dans le Panam’ de Triptik. Avec un habillage visuel nocturne peu anodin, il est question d’exil, de quête, de vulnérabilité dans « cette jungle urbaine (…) terrain noir de batailles ».
Près de dix ans avant le Niggaz in Paris de Jay-Z et Kanye West, celui qu’on ne peut dissocier du titre J’t’emmerde s’était déjà aventuré sur le phénomène de double identité en s’appropriant le titre mythique de Joséphine Baker. Avec son accent de titi parisien d’origine camerounaise, son nom de scène qui sent culture populaire, et son passé d’enfant orphelin et de braqueur incarcéré en France et en Allemagne, MC Jean Gab’1 se construit un personnage qui détonne dans une scène rap française très mimétique, et son titre s’avère être une balade d’un Paris historiquement violent, divers et multiculturel, qui a forgé et façonné ce « Panaméen et fier de l’être » qui n’échangera pas sa ville qui l’avait vu naître, et qu’il n’échangera pas pour un copeck.
Cette compilation de 7 minutes 48 conclut en apothéose l’explosif Gravé dans la Roche de Sniper. Si le projet d’aménagement du Grand Paris commence timidement à prendre forme, le groupe du Val d’Oise avait invité chaque champion local du moment à poser sur leur titre pour s’identifier, représenter et faire exister leurs fiefs départementaux respectifs sur la carte de la région parisienne. Même si Panam est dans le titre, ce sont les périphéries qui sont ainsi mises en valeur, ou comment à défaut de détenir un vrai son propre sur lequel s’identifier, ce trou noir central absorbeur de particules qu’est la Ville Lumière fait émerger une constellation francilienne d’étoiles hip-hop des années 2000.
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