Samedi 22 novembre, c’est la douzième édition parisienne du Télérama Dub festival. La soirée se tiendra aux docks de paris, à St Denis, dans d’anciens entrepôts classés Patrimoine culturel national. Elle mettra à l’honneur des grands noms du Dub tels que Kanka ou OBF soundsystem. Ce festival « rend hommage » à un genre musical peu médiatisé, qui connaît pourtant un succès grandissant depuis les années 90. Le directeur du festival, Frédéric Péguillan, a accepté de partager avec nous sa vision la scène Dub française.
La Terre natale du Dub, c’est la Jamaïque. C’est là bas que dans les années 70, le producteur King Tubby se lance dans les premiers remixages de reggae qui marquent les prémices du dub. Dès lors, le mouvement connait un rapide essor qui culmine dans les années 80 en Grande Bretagne, avec la démocratisation des instruments électroniques, qui ont fait du dub une synthèse entre reggae et musique électronique/électro. En France,iIl faudra attendre les années 2000 pour que le Dub soit plus connu, en partie grâce à la création en 2002, du Télérama Dub festival par Frédéric Péguillan. Il nous explique la genèse de ce projet :
« A la fin des années 90, une scène française qui jouait le dub live avec guitares, basse, batterie… est apparue telle une génération spontanée. Les High Tone, Zenzile, Improvisators Dub, Kaly Live Dub, Ez3kiel… Ayant beaucoup écouté de dub dans les années 80, je me suis intéressé à cette scène et suis allé faire un tour de France de ces formations venues d’Angers, Lyon, Bordeaux… pour un reportage qui a été publié dans Télérama où je travaille. Par ailleurs, nous souhaitions amorcer un partenariat événementiel avec le Glazart, la salle du 19e à Paris. Je leur ai suggéré l’idée d’un festival de dub qui permettrait d’offrir une visibilité à cette scène émergente. Ils ont trouvé l’idée séduisante et la direction de Télérama également qui a vu là une façon de rajeunir l’image du journal. Donc nous avons organisé la première édition à Glazart sur 4 dates. L’histoire a débuté comme ça. »
Dès ce moment là, le festival n’a cessé de prendre de l’ampleur, de s’étendre : cette année, il comporte 12 dates dont 11 en région. Mais la scène dub française ne se limite pas à ce festival de grande ampleur : depuis quelques années les sounds systems se multiplient partout en France et témoignent d’une grande effervescence de la scène dub. Les petits festivals locaux et autres Dub sessions se multiplient, en Bretagne et dans le sud de la France notamment.
Petite précision pour les non initiés : techniquement, un sound system est un système de sonorisation, un « mur de son » qu’on déplace à chaque événement et de date en date. Par extension, l’expression désigne le groupe utilisant cette sono mobile, celui- là même qui l’a construite artisanalement. Car oui, chaque sound system est unique, par sa forme et par sa qualité de son, c’est pourquoi il constitue l’effigie suprême d’un groupe de dub, sorte de totem qu’on glorifie sur les flyers. L’appellation « dub » recouvre un grand nombre de courants très différents les uns des autres, allant du dub instrumental, au drum’n’bass diffusé en free party. Cette diversité est en fait le fruit d’une évolution du genre musical, Frédéric Péguillan nous explique :
« Pendant longtemps, la scène dub française se distinguait par son approche live avec des instruments traditionnels (basse, batterie, guitare, claviers). Elle interprétait ainsi une musique qui à l’origine était une technique de studio. Puis, de plus en plus de « live machine » (un artiste mixant en live ses productions) sont apparus avec des artistes seuls ou accompagnés d’un chanteur ».
Plus qu’un simple genre musical, le Dub s’est affirmé comme une véritable culture alternative fondée sur les valeurs du reggae : « Si certains artistes (surtout ceux de la scène anglo-jamaïcaine) sont très attachés aux préceptes rasta, la majorité d’entre eux n’en font pas une philosophie. Mais tous s’accordent sur certaines valeurs comme la solidarité, l’indépendance, la paix, la fraternité et la liberté. Le dub, de par sa nature (c’est un champs d’expression musicale où tout est possible) est un espace de liberté immense où tout le monde est bienvenu pour partager son amour de la musique ». Les principes de partage et de communion sont également très présents dans le Dub. Les lives sont une expérience physique collective, que certains apparentent même à une transe. Le dub est une musique qui se ressent à travers les vibrations d’un sound system.
Quant à son manque de visibilité radiophonique, il peut être considéré comme un élément constitutif du Dub, qui selon Frédéric Péguillan « restera toujours assez underground par son côté expérimental ». Le directeur se montre donc assez confiant quant à l’avenir : « Tant qu’il y aura de bons artistes à faire découvrir (et chaque année on en trouve de nouveaux, d’autant qu’une « internationale » dub se développe de jour en jour) et qu’il y aura un public (de plus en plus jeune) pour suivre, le festival durera. Avec toujours cette idée de croiser les musiques autour du dub, de montrer combien le dub peut contaminer les autres musiques (world, rock, électro, jazz, métal…) ».
Quoi de mieux en guise de conclusion qu’une petite playlist Dub ? C’est encore le meilleur moyen pour les impatients de faire passer le temps jusqu’au samedi 22 novembre, date parisienne du Teleram Dub Festival.
Jeanne Saulnier Donzel