Pour son premier Noise Apéro de la saison, notre collectif investit le Paname Art Café. Ce temple du stand-up accueillera évidemment des talents de l’humour, mais également des jeunes promesses du rap. Avant d’aller les écouter sur scène, on a posé quelques questions à Dab Rozer et Division Sauvage, histoire de connaître un peu ceux à qui on va confier nos oreilles ce jeudi soir.
Dab Rozer, ou Nicolas Ruiz, c’est l’alliance subtile du rap et du jazz. Les lyrics de ce jeune sétois décrivent le quotidien de l’artiste, dévoilent sa conception de la musique et de la création. Pas de revendication mais un travail axé sur le phrasé et la musicalité des textes. L’instru joue un grand rôle dans les morceaux de Dab Rozer : plus qu’un simple fond sonore, les riffs de guitare jazzy et les lignes de basse funky soulignent avantageusement la prose du rappeur. En somme, un rendu enthousiasmant qui promet un live surprenant.
A partir de quel moment et comment Nicolas Ruiz a-t-il décidé de se transformer en Dab Rozer ?
Fin 2012, j’avais des textes en tête, ça faisait un petit moment que je cherchais un moyen de partager des choses, je tournais sur deux, trois scènes avec des projets différents, mais j’avais envie d’avoir le mien. J’ai crée Dab Rozer pour avoir le contrôle à la fois sur les textes, les structures, mais aussi les instrus, qui sont écrites avec un super pote qui taffe avec moi depuis le début (Nicolas Felices). C’est pas une transformation à proprement parler je pense, c’est le moyen que j’ai trouvé pour proposer un univers qui traduit sans trop tricher ce que je suis tous les jours, une base rap avec plein d’influences diverses dedans.
En tant que Sétois, comment analyses-tu l’évolution du hip-hop dans le sud de la France ?
Whooooo, c’est assez complexe ça, elles sont cools tes questions. Ça fait un certain temps que le hip-hop français ne se limite plus aux sons de la capitale. Je suis parti direct sur Paris après mon bac, puis sur Londres, j’ai pas eu le temps de vraiment voir les sons évoluer en direct, mais je pense que ça fait un moment qu’il y a un créneau hip-hop dans le sud, qu’il a eu le temps de grandir, de super projets pulsent, se diversifient et ça fait plaisir (Demi Portion, Kussay & the smokes, Joke, Furax Barbarossa, St Flavour etc etc).
Tu dis « Il n’y a pas de sens dans ce que j’écris, juste des métaphores… » tout en affirmant ne pas être à la recherche de la punchline. Mais quand on voit l’explosion d’un Kaaris, difficile de faire de l’ombre au rap twitter en 2014 ?
Chaque style a sa place. Le rap game et compagnie, en vrai c’est des conneries. Le rap français, c’est un créneau archi large, si t’es bosseur, que t’as une plume ou un style, faut faire ce que tu veux à un moment, un truc qui correspond à ce que tu aimes faire. Moi j’essaie de faire hyper gaffe à avoir du sonore dans mes phases, c’est pas pour autant que je dénigre les gros punchliners. C’est marrant que tu me parles de Kaaris et tout ça, contrairement aux apparences, c’est pas du tout du son sur lequel je crache. Joke c’est le contrepied absolu de ce que je fais, et pourtant je kiffe. Je cherche pas à faire de l’ombre ou me placer dans un créneau sur lequel y’a tous les projecteurs en ce moment, tout mérite d’exister, après les gens aiment ou pas c’est tout, tout dépend des sensibilités.
Après « Sorry seems to be the hardest word » d’Elton John, il y a t il d’autres classiques pop sur lesquels tu voudrais poser ?
Grave, j’adore la pop en vrai ! J’ai quelques trucs en stock sur lesquels je travaille en ce moment et sur lesquels j’aimerai écrire et taffer, notamment « Si maman si » de France Gall. J’t’avoue qu’en ce moment, je suis plus orienté sur la chanson française que la chanson anglaise ou ricaine, du coup, pas de Elton John bis en prévision pour l’instant.
Sinon, le rap revendicatif, c’est un peu désuet en 2014, non ?
Je trouve pas. Je te le disais tout à l’heure, je suis d’avis que chaque projet a sa place. Et puis tu entends quoi par revendicatif ? Dès que tu défends un message, tu revendiques, tu te positionnes, même si c’est pas nécessairement un message revendicatif au sens des années 90. J’ai une track dans mon prochain EP qui sort et qui va s’appeler ‘Diplôme’, je trouve que dedans y’a des revendications, tu verras quand ça sortira haha.
La boule dans le ventre avant un live, elle se gère comment ?
Y’a une part de pression quand tu joues devant des gens, normal. Quand c’est ton projet, tes textes, t’as envie de défendre ton univers et donner le meilleur à chaque fois. Au final, ça se gère tout seul, t’y penses même plus, parce que t’es là pour partager ce que tu aimes faire et jouer ce que t’as envie de partager avec les gens, donc c’est cool.
Commando de kickers du collectif la Basse Cour, la Division Sauvage fait du rap un moyen d’évasion, une quête de l’idéal face à une « société aux valeurs indigestes ». Sur des beats efficaces et entêtants, ils décrivent la vie urbaine, sa morosité comme son charme. C’est la dualité de Paris, ville qui « enferme » mais qu’on appelle quand même « Paname, mon amour », qui nourrit leur univers.
Comment s’est formé votre groupe ?
C’est Rodion qui a eu l’idée de monter le projet ; il avait comme élément le seul fait que j’écrivais dans mon coin depuis un certain temps, et sa soif de rap, d’expression. Zach (beatmaker et 3ème rappeur) est un ami proche qui s’est spontanément greffé a l’activité.
Le but de l’armée du Baron sanglant était de combattre la décadence occidentale… pour vous, le nom de Division Sauvage, c’est un réel hommage à la culture cosaque ou c’est avant tout un choix esthétique ?
Je laisse la réponse a Rodion, qui nous a fait part de la référence. Pour ma part, le côté abstrait non référencé des deux mots » division sauvage » me plaisait assez. On est un peu tous sauvagement divisé.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Pour ma part, hip hop 90’s français (Lunatic, Dany Dan, Time Bomb) américain (2Pac, N.W.A, Nas). Mais aussi toutes sortes de styles (funk, reggae, etc..)
Vous posez notamment sur un son de Pete Rock.. Selon vous, le New York du début des années 90 reste l’âge d’or du rap ?
Le hip hop est jeune, donc forcément la période 90 a vu le rap grandir dans toutes les contestations sociales, et entre autre pour cette raison, a frappé un grand coup d’authenticité dans la musique. Pour moi c’est l’âge d’or car c’est ma référence , mais aujourd’hui la démocratisation du rap permet d’explorer d’infinis horizons, et c’est là que c’est puissant.
Le jeu de scène d’un jeune groupe comme le vôtre, ça se travaille ou c’est un bordel spontané ?
On parlera pas beaucoup de jeu de scène, on en a fait qu’une, puis un autre open mic avec la basse cour au brakadabar. Mais je pense profondément qu’il faudra allier travail et spontanéité : un filage technique rythmé pour la structure et de la spontanéité pour partager.
Vous faites partie du collectif de la Basse Cour. A quand une co-production avec les copains de The Last Camel in Paris ?
J’ai déjà essayé de poser sur une prod d’Arthur et Ugo en vacances à Angoulême, mais pour les expérimentations il faut du temps, et je pense qu’on en aura plus à l’avenir.
Jeanne Saulnier
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