Le prolongement de son ouverture éphémère est l’occasion de revenir sur l’In Situ Art Festival, un festival dédié aux arts urbains dans l’obscur et mythique Fort d’Aubervilliers.
Au Fort d’Aubervilliers, les sourires scintillent dans l’éclat des murs triomphants. Samedi 17 mai 2014, jour d’ouverture du festival, le soleil tape et les couleurs s’échauffent. Elles se courent après sur des surfaces abîmées, glissant derrière des palissades, coulant le long des alcôves délabrées. On passe l’entrée du Fort, des poteaux cyclopes bleus, mauves, jaunes nous invitent à les suivre. Ils montrent la marche, on rentre dans la danse. Pas de ticket d’entrée, quelques gentils messieurs de la sécurité, des tables et des bancs nés de pneus détournés ; dans cette exposition à ciel ouvert seul importe l’appréciation d’un art dompteur de surfaces et d’éclat.
Au carrefour des rencontres
En biologie, le terme d’in situ renvoie à l’examen d’un phénomène dans son milieu naturel. Il s’agit par exemple d’observer l’activité d’un être vivant à l’emplacement exact où il la réalise au lieu de l’inciter à reproduire cette activité dans un endroit pensé et conçu par le scientifique. Dans le domaine de l’art contemporain, une œuvre in situ est une œuvre non transportable qui prend en compte le lieu dans lequel elle est réalisée. La démarche de l’In Situ Art Festival se cristallise à la rencontre de ces deux approches : le visiteur vient observer des œuvres réalisées sur place (et parfois même en direct) par des street artistes du monde entier à qui on a demandé de s’approprier les différentes surfaces du Fort.
Et pas n’importe quelles surfaces ! La désormais friche industrielle qu’est devenue le Fort d’Aubervilliers regroupe sur ses deux hectares : 15 épaves de voitures, 10 camionnettes calcinées, 400m2 de palissades, 12 alcôves, 1 parking et plusieurs hangars vides. La richesse du mobilier urbain disponible est permise par une biographie lunatique et des origines métissées. Construit en 1846 afin de protéger Paris d’une éventuelle agression allemande, le Fort reste jusqu’en 1969 un territoire militaire en vertu de son positionnement Nord-Est éminemment stratégique pendant les guerres mondiales. Racheté en 1973 par l’AFTRP (agence Foncière et Technique de la région parisienne), le Fort deviendra quelques années plus tard une casse automobile assez réputée dans le monde de la mécanique.
Un hip-hop qui s’impose
Si le lieu témoigne d’un passé guerrier et industriel, les relations entre les cultures urbaines et le Fort ne sont toutefois pas nouvelles. En 1983, l’association Banlieues 89 parvient à obtenir de François Mitterand qu’il se rende dans certains des grands ensembles de La Courneuve à Châtenay-Malabry. Les revendications de Banlieues 89, formulées autour de l’objectif « faire la révolution en banlieue », deviennent alors l’objet d’une mission interministérielle. Sous cet inespéré élan politique est lancée l’opération Fêtes et Forts dont le but est d’exploiter la surface des anciens forts de région parisienne pour y animer des événements estivaux. Une idée audacieuse et pragmatique, un pari plus que réussi. Au Fort d’Aubervilliers, ce projet va ainsi permettre la naissance du tout premier festival de hip-hop de France : initialement simple concours de smurf, l’événement rameute assez rapidement DJ, graffeurs et pionniers du rap français. C’est l’apothéose de la culture des halls : les Pacos, les 3000 City Breakers ou encore les Kid’s Street se retrouvent au Fort pour défendre leur couleur et leur cité.
Cette année, à l’ombre des institutions politiques, c’est le jeune collectif Art en Ville qui est à l’origine des excitantes retrouvailles entre le Fort et les contre-cultures banlieusardes. Créée en 2013 par le géographe Olivier Landes, cette association aux motivations sociales et solidaires a pour ambition de réconcilier expression artistique et surfaces urbaines : l’idée est d’identifier la nature et les enjeux d’un quartier afin de permettre une intervention artistique astucieuse. Ce premier projet respecte parfaitement la couleur annoncée. Alors qu’à la fin de l’année le Fort d’Aubervilliers sera détruit pour devenir un éco-quartier favorisant la mixité sociale, des genres et des usages, l’In Situ Art Festival permet de rendre un dernier hommage aux évolutions successives du Fort. Une ambiance familiale, une humeur festive et une excitation palpable permettent de faire un bel adieu au couple Fort/hip hop : jusqu’à la prochaine fois ?
In Situ Art Festival au Fort d’Aubervilliers
Prolongation du samedi 6/09 et jusqu’au dimanche 28/09, ouverture les samedis et dimanches, de 14h à 19h30.
174 avenue Jean Jaurès à Aubervilliers, Métro Fort d’Aubervilliers, sortie 1, tout droit sur 100m.
Bonjour,
J’ai bien apprécie ton article on y retrouve une réelle attache pour le Street art mais aussi une passion.Je trouve très intéressant ton approche dans la mise en lumière des banlieue à travers un art, celle du Hip-Hop et ceux depuis les années 80.En espérant pouvoir un jour discuter de l’évolution du street art mais aussi de Banksy ou d’André…je te souhaite une bonne continuation 🙂
Nelson