10 Questions à Pierre Croce

Entre les youtubeurs et les stars du one-man-show, Pierre Croce est une sorte d’OVNI dans le milieu de l’humour en France. A la fois présent sur la toile et sur scène, son créneau reste la déshumanisation des rapports sociaux, justement amplifiés par le numérique et le 2.0. Alors qu’il joue son spectacle Psychologies tous les dimanches et lundis jusqu’à fin avril, il participera à notre conférence sur le Buzz ce jeudi 13 mars à Sciences Po, domaine qu’il connait bien à double titre, car il est non seulement humoriste en 2014 mais aussi responsable Partenariats et Contenus chez Dailymotion… De là à virer schizophrène dans le rire ?

Noise : Quel impact du buzz « Rompre avec un powerpoint » dans votre carrière d’humoriste ?
Pierre Croce : Décembre 2012 : je joue mon spectacle toutes les semaines au sous-sol d’un bar à Pigalle (le Sonart) où l’entrée est gratuite et où il peut y avoir au maximum 50 personnes sous peine de malaise vagal général. On avait très peur quand une 51ème personne débarquait en retard… Janvier 2013 : je sors cette vidéo, février 2013 : je joue au théâtre de 10 heures devant 130 personnes toutes les semaines, où ils doivent payer leur entrée, juillet 2013 : je couche avec une fille.

Rompre à l’aide d’un powerpoint par pierrecroce

No : Justement, quel impact du buzz « Rompre avec un powerpoint » auprès des femmes ?
PC : Elles ont vraiment cru que je savais cuisiner le poulet au caramel…

No : Tu es présent à la fois sur scène et sur vidéo, quelles sont les différences principales entre les deux ?
PC : Je fais de la scène depuis 2 ans, j’ai 9 vidéos sur ma chaîne, est-ce que je peux te répondre d’ici 10 ans ? D’un point de vue tout à fait perso, j’ai tendance à croire que l’humour ne change pas selon le format. Le clip de Redouanne Harjane qu’il a sorti récemment, ressemble à ce qu’il fait sur scène. Dans le sens inverse, Mister V qui monte sur scène depuis quelques mois, retranscrit bien l’humour qu’il met dans ces vidéos depuis des années. Il faut juste savoir adapter la forme, et quand on se lance dans la vidéo, il faut accompagner l’humour d’un concept, d’une réalisation propre au web. L’un des meilleurs exemples que j’ai en tête c’est celui du Palmashow qui en un sketch sur les prénoms, ont réussi à faire 3 formats différents, et tous aussi efficaces les uns que les autres. Ils ont commencé sur scène avec le sketch « Les prénoms », puis ils en ont fait un clip qui s’appelle « Le rap des prénoms« , puis ils en ont fait un sketch vidéo « Quand ils cherchent un prénom » avec Thomas VDB.

No : Selon toi, les Vines (vidéo de 6 secondes) sont-ils amenés à durer ?
PC : Les formats très courts sont propres au web, avant même que Vine n’apparaissent, il y avait déjà des vidéos très courtes qui cartonnaient sur le web. Rappelons que la vidéo du Sneezing Panda fait 17 secondes ! Et puis, les gif animés ont toujours eu un caractère viral sur le web de part leur efficacité et leur légèreté pour le temps de chargement. Vine a combiné la vidéo et le gif en réduisant le nombre d’images par seconde par rapport à une vidéo classique, et a ajouté du son, par rapport au gif. De plus, ils ont eu le mérite de s’emparer de ce format très court et d’en faire un terrain de création avec des contraintes simples (technique d’enregistrement qui oblige à tenir la caméra et donc qui incite à ne pas la poser sur un pied, la boucle qui permet d’imaginer des séquences infinies et bien sûr la contrainte des 6 secondes qui rendent les idées hyper efficaces).

No : Parmi tes deux carrières (humoriste et responsable médias), laquelle simplifie le plus l’autre ?
PC : Chacune de ces activités tire l’autre vers le haut. Travailler chez Dailymotion m’a permis de comprendre bien plus vite l’industrie de l’humour en France (scènes, festivals, producteurs de contenus web, etc…). Et cela m’a surtout servi à comprendre les thèmes, les formats et le type d’humour qui fonctionnait sur le web pour mes propres vidéos. De l’autre côté, en étant moi-même créateur, j’ai une légitimité en plus en tant que responsable des contenus humour chez Dailymotion. Mes interlocuteurs savent pratiquement tous que je fais moi-même de la scène et des vidéos, donc ils me font de plus en plus confiance lorsque je les conseille dans leur choix créatifs ou éditoriaux. Même si cela ne reste que du conseil évidemment.

No : Et sinon parmi tes deux carrières, laquelle déforme le plus l’autre ?
PC : Excellente question, déjà parce que j’ai toujours rêvé de commencer une réponse par « excellente question » et surtout parce que je me la pose souvent. Disons que le fait de travailler dans un bureau me force à être plus professionnel sur scène et dans la préparation de mon spectacle. Et puis, je ne suis pas un génie de l’informatique, mais je me sers d’applications classiques pour m’y retrouver :

– Powerpoint : Sur scène avec moi
– Excel : Pour noter les timings de mes sketchs et ajuster la structure de mon spectacle
– Evernote : Pour noter les idées et les trier plus facilement que sur un cahier
– Sonic Dash : Dans le train

No : Parmi tes deux carrières, quelle pondération temporelle ?
PC : Actuellement, je dirais 2/3 pour le bureau et 1/3 pour la scène.

No : Quelles sont les Do’s et Dont’s d’une bonne vidéo humour aujourd’hui ?
PC : Je vais insister sur les Dos, à savoir :
– être drôle
– donner le ton humoristique dans le 20 premières secondes
– rythmer la vidéo à raison de 1 gag toutes les 10 secondes
– être dans l’ère du temps

NO : Si le Powerpoint se démode, quelle est la meilleure option : des spectacles plus humains sans support ou avec Prezi ?
PC : Powerpoint c’est évidemment un prétexte, ce que je fais pourrais très bien être fait avec d’autres supports. J’essaye d’ajouter aussi de plus en plus d’interactions humaines. Selon ce que me dit le public d’un soir, partir dans telle ou telle direction sur mon powerpoint. De un, ça plait au public, et de deux, ça m’amuse beaucoup comme ça.

NO : Entre les likes, le nombre de vues, de place vendues, le niveau sonore du rire et ses fréquences, quelles sont les meilleures mesures de l’humour ?
PC : En vidéo, je ne sais pas trop. Je pense que c’est une sorte de moyenne entre le nombre de vues et ta communauté. Si tu as un million d’abonnés et que tu fais 30 000 vues sur ta vidéo, c’est qu’il y a un souci. Si c’est l’inverse, c’est sans doute un gage de qualité. Pour la scène, mon unité c’est la fréquence du rire. Certains sont contre cette idée là, mais je pars du principe que si le public rit toutes les 10 secondes, c’est qu’il passe un bon moment. Je suis encore trop jeune sur scène pour dire que je veux un spectacle profond qui ne fasse pas que rire, c’est pas vrai. Je veux de l’efficacité !