Portrait du photographe français Gilles Coulon, chasseur d’images au sein du collectif Tendance Floue mais surtout brillant capteur d’instants et de mouvements dramatiques de l’existence moderne.
Une « tendance floue » mais une idéologie claire
En 1991 les photographes membres de la naissante et inconnue association Tendance Floue placardent dans les rues qui accueillent chaque année les Rencontres d’Arles (festival estival de photographie) des affiches à leur nom et brûlent leurs négatifs dans l’espace qui héberge leur exposition. C’était sans se douter qu’en 2011 ce même festival leur accorderait une place à part à l’occasion des vingt ans de ce collectif devenu en quelques années incontournable dans le monde de la photographie contemporaine.
C’est en 1996 que Gilles Coulon intègre le collectif. Né au départ d’une volonté de créer un groupement d’archives photographiques, les visions et les façons de travailler communes des photographes qui le composent ont forgé l’âme de Tendance Floue au point d’être aujourd’hui considéré comme une exception française. Ils prônent une pratique libre du métier de photographe et cherchent à s’éloigner des démarches des agences de presse. Ils parcourent le monde à la recherche d’images sans artifice de la vie quotidienne : de Pékin à Zanzibar en passant par Jérusalem, ils racontent l’histoire de ces peuples toujours en mouvement. Que ces peuples soient en détresse ou en développement, ils jettent un regard juste et sensible sur les évènements qui agitent notre monde, et si leur travail colle à l’actualité, ils considèrent toutefois la pratique de la photographie comme un travail d’auteur.
Il s’agit donc d’exercer autrement un métier traditionnellement solitaire. Les « réunions du mercredi » dans leur galerie de Montreuil leur permettent de se conseiller, de se remettre en question et d’avancer. Cette pratique communautaire du métier de photographe n’obstrue cependant pas les particularités de chacun d’entre eux.
Gilles Coulon, un œil sensible et aiguisé
On distingue habituellement trois périodes dans le travail de Gilles Coulon.
Entre 1990 et 2002 il part à la rencontre de l’Afrique et plus particulièrement du Mali. Ce pays lui inspire les séries « Un président en campagne », « Avoir 20 ans à Bamako » ou encore « Delta ». Dans ses clichés il raconte l’histoire dynamique d’un peuple malien expérimentant les débuts d’une jeune démocratie malgré des tensions sous-jacentes. En 1997 ses photographies de pasteurs nomades entre le Mali et la Mauritanie sont récompensées par le premier prix World Press Photo dans la catégorie « vie quotidienne ». Jusqu’en 2006, il se tourne ensuite vers une pratique photographique expérimentale et poétique, notamment dans le cadre de la série « White Night », loin de ses clichés documentaires africains.
Aujourd’hui l’œuvre de Gilles Coulon semble davantage ancrée dans une réflexion. Son travail « For reasons », composé (pour l’instant) de trois séries (« Automne », « Printemps », « Hiver(s) »), nous emmène dans des décors morbides d’un hiver français ou ceux prometteurs d’un printemps tunisien. Il photographie une réalité à fleur de peau qu’il questionne sans jamais suggérer de réponse, laissant ainsi au lecteur la liberté de sa propre interprétation. Ses clichés, simples témoins de faits réels, sont pourtant éclatants de sensibilité et de beauté.
En mars 2014, avant de repartir pour un printemps arabe d’espoirs déchus ou pour un été malien en régénération, Gilles Coulon a accepté de participer au festival Le Bruit de la Ville organisé par Noise en tant que membre du jury du concours photo. Il vous reste donc quelques jours pour participer au concours et soumettre votre travail à l’œil du photographe (et toute la vie pour apprécier et partager son œuvre !).