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Madrid | La Tabacalera

“La libre circulation des savoirs, la promotion d’espaces d’autoformation et les procédés de créations collaborent à l’ouverture d’une communauté qui s’étend au domaine public et qui ouvre des espaces pour penser, pour développer l’esprit critique et permettre de nouvelles pratiques” Assemblée Générale de la Tabacalera, Avril 2010.

Centre Social d’Autogestion

C’est dans 9 200 mètres carrés en plein centre de Madrid, cédés par le Ministère de la Culture, que prospère le Centre Social d’Autogestion de la Tabacalera. L’ancienne usine à tabac de Madrid, sur le rond point d’Embajadores, est cataloguée comme bien d’intérêt culturel. Le restant de ses 30.000 mètres carrés de surface est dédié à un centre d’exposition qui dépend de la région, la Comunidad de Madrid. Son histoire commence en février 2010 et reçoit un nouvel élan avec le mouvement social du 15 mars, le « 15-M ». L’utilisation et l’occupation de cette ancienne usine de tabac par des membres de ce collectif a fait naître ce centre multidisciplinaire où sont aujourd’hui pratiquées des activités artistiques et techniques variées, au sein de divers collectifs.

On y trouve de tout : musique, peinture, sculpture, théâtre, danse. Les collectifs les plus actifs sont le Molino Rojo dont l’espace sert exclusivement à la danse, Tabahack où l’on manipule, transforme, répare et recycle des appareils électroniques, ou encore Keller qui s’occupe de peinture et d’art urbain. Il y a aussi bien sûr de nombreux collectifs de musique : Dub Central pour le reggae, La Cancha (Kick da Mik) pour le rap, Docakene spécialisé en percussions, La Cigarra eléctrica  pour le rock et enfin Templo Afro qui touche à tout ce qui a trait à la musique et la culture africaines.

Mais si la Tabacalera est avant tout un lieu de foisonnement culturel intense, c’est aussi un lieu d’échanges. A l’Atelier on peut créer ou réparer son propre vélo – gratuitement bien sûr. Et tous à la Tabacalera s’inquiètent de leur impact social : ils croient fermement que c’est aussi là, et en montrant l’exemple, qu’ils peuvent commencer à changer la société. Pour Goyo Guerrero, équatorien arrivé en Espagne il y a dix ans et chargé aujourd’hui du comité central de gestion du Centre, la Tabacalera est un lieu privilégié où recréer du lien social. En plus de l’atelier de réparation de vélos, on y trouve un atelier couture et un centre de distribution de vêtements. A l’approche de Noël une distribution de cadeaux est organisée pour les enfants du quartier voisin de Lavapies, qui sont nombreux à être issus de l’immigration récente, africaine ou sud-américaine.

Malgré tout le Centre est confronté depuis ses débuts à des difficultés tenant notamment à la définition de son modèle économique et aux tensions que créent les visions et intérêts divergents de ses membres. La cafétéria était auparavant une des sources principales de revenus pour le Centre, mais elle a fermé, faute d’autorisation de la mairie. Il ne reste aujourd’hui que la vente de boissons lors des concerts, et une boîte en bois qui trône à l’entrée, invitant les visiteurs à y déposer une participation volontaire. Certains voudraient un soutien financier direct des autorités, pour que les activités artistiques deviennent pérennes. D’autres croient dans la capacité du Centre à rester indépendant.

En effet le Centre est fondé sur un modèle d’autogestion. Chaque collectif est relativement indépendant, et est représenté à l’assemblée générale du Centre par un comité représentatif. C’est au sein de chaque assemblée interne au collectif que sont débattues les règles de fonctionnement et d’éventuelles pétitions qui seront ensuite transmises à l’assemblée générale. Mais la participation à la vie du Centre n’implique pas pour autant d’obligation « politique » ou gestionnaire : tout un chacun peut venir y réaliser une activité artistique ou sociale sans que cela signifie devoir participer au comité représentatif ou à l’assemblée générale.

D’autres comités sont des sous-délégations de l’assemblée générale et ont une place centrale dans le fonctionnement et l’organisation du Centre. Le comité « économie » par exemple organise des conférences ouvertes à tous pour expliquer le fonctionnement du Centre. Un système de rotation est instauré pour que des membres de chaque groupe assurent la sécurité lors des concerts qui ont lieu à la Tabacalera.

Aujourd’hui c’est l’existence même du Centre Social de la Tabacalera qui est menacée. Le contrat de cession des locaux avec la Comunidad de Madrid prend fin en décembre, et sa prolongation n’a pas encore été négociée. Les projets en cours – une salle de sport, un potager – ne verront peut-être pas le jour.


Inès et Julia Levy

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