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Le BeatMaker Contest, l’ode à la Culture Hip-Hop

Le 2 novembre 2013 avait lieu la douzième édition du BeatMaker Contest, la compétition nationale des compositeurs Hip-Hop organisée par l’association 9.2 Styles. Le BMC est avant tout une initiative locale qui se développe pour fédérer des artistes de l’ombre passionnés qui, loin des paillettes et de la soupe du show-biz, contribuent à réinventer et transmettre leur musique préférée.

Il est 20h30 dans le centre un peu désert de la ville de Colombes. Guidé par une sono lointaine j’avance vers ce qui ressemble à un commissariat de police. Pas d’erreur, c’est un poulailler mais l’événement est juste derrière, à deux pas. La menace planante d’une fin à la Babylon de Franco Rosso apparaît furtivement dans mon imagination. Une chose est sûre, je suis à la bourre. Devant l’entrée, j’aperçois l’ami Nodey, le Poulidor du beatmaking, chouchou du public finaliste du BMC 2011 et du Beatdance 2013. Désormais retiré des podiums et producteur notamment de la bastos estivale Mon pote de Flynt & Orelsan (NB : le beat avait été diffusé en mode brand new au BMC 2011 à partir de 1:25). Il grille sa clope avec ses acolytes avant de replonger dans l’arène.

A l’entrée je me fais racket… non, réquisitionner mon appareil photo, comme si j’arrivais à l’aéroport de Pyongyang. Le Tapis Rouge de Colombes aurait-il une misère à cacher, dominé par le dictateur Kim-Jung-Enock ? Pas exactement. Disons que l’équipe de 9.2 Styles préfère garder le contrôle médiatique de l’événement. Captation HD, cadrages aux petits oignons, et exit les vidéos amateurs. Exit, cette voie lactée numérique parasite, à base d’appareils et smartphones dégueulasses. Un brin totalitaire, mais « c’est pour leur bien » conviendrait allègrement Kim Jung…

Quand les artistes de l’ombre prennent la lumière #SineSquare

Sur scène le collectif SineSquare – ce soir composé d’Oliver et Akuji, deux rastas champions des éditions précédentes, et de Monk, un blanc-bec barbu – composent en live, pour le grand plaisir du public. La bonne musique n’a pas de couleurs, ce qui devrait faire plaisir à Yannick Noah. En fait, SineSquare devrait d’ailleurs remixer la totalité des sons du chanteur en Sloggi préféré des Français, ça ferait du bien aux oreilles de ces derniers.

Le tirage au sort est effectué directement sur scène par Sékouba, l’excellentissime MC qui taille tout sur son passage, et Stanza, figure émérite du beatmaking en France. Ayant chacun déjà un micro dans la main, ils galèrent un peu. On se dit que parmi le public, certaines demoiselles aux sourires délicieux auraient pu s’improviser très bonnes hôtesses de cérémonie. La transparence y est certes, mais manque de chance pour les organisateurs, le tirage accouche d’une finale avant la lettre, avec Dixit contre Juliani, respectivement star et vainqueur de la soirée.

Le Real-Barça du BMC#12 : Breizh T-Bag vs Franck « back to school » Ocean.

« Un beat en 2h ? Sur place ou à emporter ? » #Ouz’one

Avec tout le respect pour les autres compétiteurs et leur travail, pas besoin d’être Bac+8 en beatmaking pour se rendre compte qu’ils sortaient du lot. Leur style et leur expérience transpirent dans chaque production. Dixit, avec sa dégaine de Franck Ocean prépubère à qui on aurait collé un cartable sur le dos l’un des rares à avoir enflammé la foule à toutes ses productions. Sa majesté la « roue de secours » Ouz’ One, fait partie de ceux-là, au beat habile et dont le punch coupe le souffle. De son côté Juliani, que Sékouba prenait plaisir à assimiler à un taulard, offrait des univers originaux qu’il a su intelligemment agréger et combiner de manière cohérente.

Une autre performance à noter reste celle des membres du jury. On peut ne pas être forcément d’accord avec leurs choix, mais force est d’admettre qu’il n’est jamais aisé de mettre des mots sur un travail artistique, à chaud, sans recul, en 20 secondes. Plus difficile encore : justifier l’élimination d’un compétiteur qui a bossé dur ses productions, tandis que tous ses potes dans la foule chauffés à blanc l’acclament. Petite dédicace à Blaze et sa chemise slim ainsi que MKL qui nous a rappelé l’importance de la caisse claire, pendant que leur collègue Akuji semblait souvent piquer du nez.

Alors qu’on avance dans la compétition avec des figures imposées comme un sample de Dee Nasty, les chansons des années 80 ou un mix à capella des bons vieux Busta et Method, on a la confirmation que le BeatMaker Contest reste bien cette ode à notre patrimoine musical urbain. En effet, chez un compositeur Hip-Hop, l’absence de références artistiques, aussi bien rap que classique ou pop, devient rédhibitoire car elle limite les possibilités de création, et donc d’originalité.

 
JULIANI vs DIXIT // BEATMAKER CONTEST (1/4 finale) by batmanrobine102

 

Deux semaines plus tôt, lors de la conférence Entrepreneuriat & Street-Culture : le bon deal ?, les intervenants déploraient le manque de transmission entre les générations. Ils reprochaient aux médias dominants de ne pas vraiment exercer le rôle d’éducation culturelle  auprès des plus jeunes. Aller expliquer que le son de ton idole Dr Dre est lui-même samplé de Charles Azanavour 30 ans plus tôt,  ça reste moins rentable que diffuser en boucle Sexion d’Assaut et Vitaa.

Du coup des initiatives comme le BMC restent des plus salutaires, avec un bon esprit et une simplicité qui font plaisir, surtout quand on nous impose sur la toile le crêpage de chignons de rappeurs qui se prennent pour 2pac et Biggie. Une fois la compétition terminée, une bonne partie du public reste dehors devant le commissariat à refaire le match, checker les héros de la soirée, parler projets et kebabs. On y croise le « noir à lunette » Vicelow venu prendre la température avec le sourire, et qui sait, peut-être des futurs producteurs. L’année prochaine, faudrait surement inviter Laurent Bouneau, histoire que des talents comme Dixit deviennent (enfin) nos Just Blaze made in France.

 

Manouté

 

En Bonus : Le live de SineSquare


SINESQUARE live beatmaking band BMC#12 par batmanrobine102

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