Mardi 19 mars se réunissaient de façon exceptionnelle un adjoint au maire, un doctorant, deux artistes et une journaliste pour une conférence aiguisée sur le squat. Organisés par Noise, les débats ont mis à plat et décortiqué la problématique des squats d’artistes et leur relation avec la mairie de Paris.
Après la masterclass Kourtrajmé, Noise a fait à nouveau sourire et réfléchir en organisant la rencontre improbable entre la mairie et les squatteurs sur les bancs de Sciences Po.
Par souci pédagogique et scientifique Thomas Aguilera a ouvert les débats en donnant les définitions et enjeux de notre thématique : « Le squat, une institution culturelle ? ». Gentrification ? Squat conventionné ou non ? La culture est-elle prise en otage par la politique ou le squat est-il pris en otage par la culture ? Doucement, les questions qui dérangent sont tirées de sous le tapis et pointées du doigt.
En surface le problème est la conciliation des squats et de la Mairie. Après de longues années d’expulsions systématiques, la politique s’assouplit petit à petit, notamment depuis 2001 avec l’élection de Bertrand Delanoë. Aujourd’hui la tendance est « volontariste » selon Pierre Jacquemain (« M. Squat », le principal médiateur entre les squats et la Mairie), c’est à dire que Paris recense activement les immeubles vacants et s’efforce de conventionner les squats d’artistes. L’aspect artistique et culturel de ces lieux est désormais mis en valeur et reconnu comme « catalyseur de développement social et vecteur de requalification urbaine » selon les mots de Thomas Aguilera.
Mais en filigrane un autre problème apparaît, celui soulevé par Hediman membre d’Intersquat pendant les débats : la convention ne pervertit-elle pas l’âme du squat ?
En effet la convention passée entre la Mairie et le collectif d’artistes s’apparente à un contrat d’exploitation, les squatteurs doivent élaborer un projet artistique et culturel, s’intégrer dans la vie de quartier… La convention interdit d’ailleurs de vivre dans les lieux qui ferment la nuit, en revanche ils sont ouverts au public en journée, c’est le cas par exemple du Shakirail (collectif Curry Vavart, fondé par Vincent Prieur). Et lorsque les conditions de sécurité ne sont pas remplies, la Mairie se charge de plus en plus de reloger les artistes. En réalité de nombreuses demandes de convention aboutissent malgré tout par une expulsion, et le bras de fer qui oppose les contractants passe bien souvent par la case procès. Ce cadre juridique très lourd et très procédurier malmène les idéaux du squat. A la fois indignés par l’inoccupation des immeubles et avides d’espaces pour créer, les squatteurs prêts à signer une convention y perdraient leur âme selon Hediman qui n’hésite pas à évoquer un dilemme faustien.
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