« On est ensemble » disent tout le temps les sénégalais, par pure politesse, simple gentillesse, ou pour faire du business. Dakar et ses artistes nous ont accueillis à bras ouverts, parfois avec distance, parfois brutalement, mais toujours chaleureusement. Bilan de nos premières semaines de vie dans un des plus gros foyers d’Afrique de l’ouest.
Avant même de monter dans l’avion, on nous proposait déjà un bon tiéboudienne, plat typique sénégalais à base de poisson, une fois arrivés à Dakar, en échange d’une valise supplémentaire en soute. Voilà qui annonçait la couleur de notre futur séjour, au pays de la négociation. À peine arrivés, notre taxi se fait arrêter par un policier qui essaie de lui soutirer de l’argent. Le chauffeur, en règle, ne cède pas et nous arrivons finalement chez nous. Enfin chez Ruben, ami camerounais et chef cuisinier dont nous parlions dans notre précédent article, qui nous décrit les arnaques courantes pratiquées en Afrique de l’ouest. Alors qu’évidemment, nous nous étions mis en tête que cela n’arrivait qu’aux autres, la semaine suivante, nous nous sommes fait arrêter dans la rue par un taxi. À son bord, une femme à l’allure douteuse, la larme à l’oeil, qui voulait à tout prix que l’on monte avec elle, nous affirmant qu’on regretterait si on ne le faisait pas, qu’elle nous emmènerait où on voulait. Bizarre…
Quelques jours après, nous nous sommes fait contrôler par des gendarmes alors que nous n’avions pas nos pièces d’identités. Immédiatement, un des agents, bas gradé, nous a fait comprendre que nous n’étions pas en règle, qu’il devrait normalement nous emmener en garde à vue (pour trois jours évidemment, puisqu’on était vendredi soir et qu’ils ne pouvaient nous identifier que le lundi suivant), mais que cela « dépendait de nous ». En clair, il voulait de l’argent, 10 000 francs CFA – presque 20 euros – chacun, nous dit le taxi qui a commencé par faire l’intermédiaire avant de chercher à nous arnaquer. Après quelques dizaines de minutes de négociations, nous avons réussi à repartir sans rien avoir à payer, quand notre gentil chauffeur a commencé à nous dire qu’il avait donné 10 000 francs au gendarme, qu’il fallait qu’on le lui rembourse, qu’il nous avait sauvé, pour tenter de nous avoir à son tour. Finalement, quelques centimes en plus auront suffit pour qu’il nous laisse tranquille et que nous rentrions chez nous.
Au sujet des taxis, il nous semble par ailleurs important de mettre fin à un mythe constitutif de la vision que beaucoup de gens ont de l’Afrique : celui de l’arnaqueur prêt à tout. Mis à part le cas mal intentionné dont nous venons de parler, les taxis ne sont ni fins négociateurs, ni très acharnés. S’il est vrai qu’il faut toujours négocier le prix d’une course à l’avance (qu’on soit Sénégalais ou pas), il suffit de faire semblant de connaître le prix et de ne pas hésiter à dire que vous allez en prendre un autre s’il n’accepte pas.
À Dakar, comme dans beaucoup d’endroits en Afrique, le blanc est, à tout moment, vu comme celui qui a de l’argent. Il faut apprendre à composer avec, à se jouer des ruses et à jauger les relations. On se sent quand même en sécurité dans les rues de cette grande ville, malgré les agents corrompus, les taxis escrocs, et les quelques vendeurs de rue assez agressifs (la plupart propose leur marchandise aux locaux aussi bien qu’aux touristes et ne forcent pas du tout la main). A chaque fois qu’on sort se balader, les gens sont souriants et il est très facile de discuter avec eux. Les rues sont festives, il y a souvent du monde. Un jour, par exemple, nous sommes tombés sur toute une famille fêtant, musique à fond, un baptême en pleine rue, qui invitait les passants à participer.
De façon générale, la musique est très présente dans la vie de tous les jours. Tout le monde écoute du « mbalax » (« x » à prononcer comme le « kh »), le style, plein de percussions, le plus populaire au Sénégal jusque dans les boîtes de quartiers chics. Le rap, de plus ou moins bonne qualité, est aussi très écouté par les jeunes. Après le passage de La Fouine il y a quelques semaines, c’était au tour de Youssoupha, que nous aimons beaucoup, samedi dernier, à la Biscuiterie du quartier de la Médina.
« Les disques de mon père », de Youssoupha :
Le week-end de notre arrivée, Bat’haillon Blin-D, le groupe du rappeur Fou Malade – un des très médiatisés initiateurs du mouvement Y’en A Marre – donnait un concert à l’Institut Français, très actif au Sénégal. Les quatre rappeurs, vêtus d’habits traditionnels, épaulés par un groupe de musiciens confirmés, enchaînaient les morceaux avec une dynamique si impressionnante qu’au bout de quelques minutes tout le public (des enfants, des vieux, des noirs, des blancs…), d’abord assis, se mit à bouger. La chaleur africaine que nous attendions était là.
Le morceau « Sénégal » du Bat’haillon Blind-D, élu tube de l’année par la radio sénégalaise RFM :
Après le concert, que nous avons filmé en intégralité, nous avons rencontré Fou Malade, Malal de son vrai prénom, et quelques jours plus tard, il nous a emmené dans son quartier, à Guediawaye, où il monte avec des amis et collègues un centre dédié à la culture Hip Hop (G Hip Hop). A Pikine, autre quartier de banlieue, il existe déjà un lieu du même genre que nous avons visité : Africulturban, dont la plupart des membres de G Hip Hop ont fait partie. Montée il y a 10 ans par le rappeur Matador, l’association est gérée par Amadou Fall Ba, un modèle de réussite hors du commun qui organise chaque année le festival de rap Festa2H. Ces lieux sont la preuve de l’effervescence musicale et sociale qui existe autour du rap au Sénégal. Nous avons pu discuter de cela avec les vétérans super stars du rap sénégalais : Didier Awadi et N’Dongo de Daara J Family. Malgré leurs activités et leur célébrité, ils restent très accessibles et nous ont tous deux accordé un rendez-vous très rapidement.
Pour clore ces premières impressions, imaginez 2000 personnes reprenant en coeur ce refrain sur une des plus grandes places de Dakar, on en a eu des frissons :
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