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Vie et grandes villes

Sommes-nous plus heureux dans les grandes villes ? Appartenant à une génération qui n’a, en grande partie, rien connu d’autre, une génération qui n’a pas non plus comme habitude première de regarder derrière ni autour d’elle, j’aime parfois me poser la question. J’aime aussi me demander ce qu’auraient été nos vies à la campagne ou, du moins, dans une toute petite bourgade de province, bref en dehors d’une grande ville.

Obligé depuis deux ans d’aller et venir entre Paris et ma ville natale de Montpellier, j’ai eu le temps de voir à quel point nos vies dépendaient du cadre dans lequel elles étaient menées. A quel point les différences peuvent être sensibles entre deux villes qui ne sont pas pourtant aux antipodes ! Et comparant sans cesse et presque inconsciemment ce que fut ma vie et ce qu’elle est aujourd’hui, j’aime me poser une infinité de questions qui peuvent paraître insignifiantes. Par exemple, quelle conséquence le fait de prendre le métro tous les matins peut-il avoir sur moi ? C’est une question fondamentale ! Lorsque j’étais au lycée, il me fallait 10 minutes à pied pour m’y rendre et je n’avais dû prendre le métro que deux ou trois fois dans ma vie, et me voilà désormais « usager de la ligne 4 » ! Autant parler d’une révolution existentielle.

Les parisiens de souche auront sûrement un sourire narquois à la lecture de ces premières lignes, je maintiens que devenir usager de la ligne 4 pour une personne venant d’un pays où on aime être heureux, représente une révolution existentielle, une rupture. Car d’abord, il y a le doute. Dans combien de temps le métro arrivera-t-il ? C’est quitte ou double, 2 ou 15 minutes, cette question nous ronge dès l’approche de la bouche de métro. Et quand celui-ci arrive, dans son grondement si délicieux, le jeu de faufilage débute, véritable sélection naturelle quotidienne pour savoir qui montera ou ne montera pas dans cette rame rêvée. Redoublant de malice et de fourberie, écartant tout à tour mes adversaires les plus faibles à savoir les retraités et les collégiens, je parviens à mes fins et me retrouve idéalement blotti entre un jeune suintant d’une obésité précoce et une secrétaire littéralement assaisonnée d’un parfum âcre.

Et le silence. Le silence prolongé et pesant, le silence comme pour mieux profiter du grincement subtil des roues sur ses rails. Le silence et la promiscuité des corps nous faisant bouillonner sous les manteaux, réduisant ainsi à néant la douche du matin. Et le silence se poursuit, altéré parfois par des chewing-gums mâchés de manière bovine, le partage charitable d’une conversation téléphonique ou encore les grésillements lancinants des IPods, ces véritables symphonies contemporaines.

Mais jusqu’ici tout va bien. Puisqu’on a évité la visite de Jean-François, « qui n’a plus de boulot et qui a deux enfants à nourrir » et qui nous rappelle à quel point notre monde est mal fait et cela dès 7h30 du matin ! Ou encore la fameuse « panne de signalisation » qui nous permet de jouir 10 minutes supplémentaires de cette joyeuse tribulation !

Donc oui je pense que devenir un « usager de la ligne 4 » est une rupture dans sa vie, une sorte de révolution silencieuse ! Je ne dis pas que cela soit bon ou mauvais, régressif ou instructif, comme dans toute chose, il y a un peu des deux. J’aime seulement prendre conscience avec quelle ampleur la vie urbaine de tous les jours, ses pratiques et ses codes implicites agissent sur nous, nos humeurs et nos comportements. Aujourd’hui le métro, cas de figure classique, beaucoup trop classique mais d’autres exemples foisonnent et j’espère en partager avec vous bien d’autres plus subtils, plus dissimulés, mais tout aussi éloquents !


Texte : Guillaume Gallix

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